13 jours en Australie

Voici le carnet de voyage authentique de 2 Français ayant visité l'Australie il y a quelques années.

Les observations et opinions exprimées par l'auteur n'engagent que lui et ne sont pas nécessairement représentatives des opinions de Partance Immédiate ou de ses membres.

 

 

Jeudi 8

 

Après 22 heures d’avion, nous arrivons à Sydney. Il ne fait pas encore jour.

Ce voyage a été pénible : les appareils de la Qantas, des 747, ne sont pas très confortables. En plus, on a eu des voisins bruyants et remuants. Pour coiffer le tout, le service n’a rien d’extraordinaire…Le personnel est à peine aimable, la bouffe anglo-saxonne et les programmes TV sans intérêt !

Si on ajoute la toute petite escale d’une heure à Singapour (donc inutile de rêver à une quelconque balade dans ce Dragon) et qu'on n'a pas vraiment pu dormir, on peut dire qu’on était contents d’atterrir…

La première image que l’on ait eu de ce lointain continent qu’est l’Océanie, c’est une vue nocturne de Sydney : des lumières clairsemées sur de grands espaces.

Quelques minutes après, on ressent les secousses dues à l’atterrissage.

Hagards, perdus, on traverse le très moderne et très propre aéroport (ça change de Charles de Gaulle). On remplit tout un tas de formulaires, nos bagages sont passés deux fois aux rayons X et on nous assaille de questions sur ce qu’on vient faire en Australie. Ici, l’immigration est une chose sérieuse. Pour finir, on s’assure qu’on ne transporte aucune nourriture et plus particulièrement aucun fruit ou légume et qu’on ne traîne pas de terre sous nos chaussures !

Puis, on nous souhaite la bienvenue avec le sourire commercial comme seul un anglo-saxon sait en faire.

Épuisés, on attend dans le petit hall des arrivées que le service de navettes commence : il fait nuit et froid (c’est l’hiver…). A 6H00 pétantes, la première navette démarre. On remarque qu’il y a pas mal de touristes français. Mais c’est normal, puisque notre vol vient de Paris.

Depuis le temps que je rêvais de découvrir ce pays, si lointain, si mystérieux… Tant de mythes existent à son sujet ! Et puis c’est la patrie d’AC/DC !!!

Le trajet pour rejoindre notre hôtel est assez long. On découvre Sydney au point du jour.

L’hiver austral n’a rien à voir avec notre hiver : on se serait plutôt cru dans un été frais.

L’aéroport est en fait immense, avec plusieurs terminaux, comme à CDG : un pour les vols internationaux, un autre pour les vols "domestiques", un autre spécialement pour la compagnie Virgin, un autre pour les vols d’affaires, etc. Entre chacun, plusieurs kilomètres de trajet. Le tout d’une modernité et d’une propreté à faire pâlir un Suisse ! Finalement, on quitte la zone aéroportuaire et on arrive dans les banlieues sud.

C’est marrant, on dirait la Californie : des routes larges, des grands panneaux publicitaires, des feux tricolores en coude, des petites maisons identiques à l’infini… Ce qui change, c’est l’omniprésence de l’eucalyptus et d’espèces végétales non identifiées, avec des pommes de bois, des poils, des touffes, des fleurs tordues…

On arrive après 40 minutes dans le centre, près de la gare. Là, c’est une collection de buildings, comme tout centre-ville anglo-saxon qui se respecte. Des rues à angle droit, pas encore d’animation ni de circulation : les sydneysiders prennent leur breakfast…

Le bus fait des tours et des détours dans le cœur de Sydney sous le jour levant. Harassés par le voyage, on observe le paysage, muets.

C’est étrange, cette ville, au premier abord. De couleur sable, avec des formes à l’ancienne mais trop récents pour avoir du style, les immeubles de Sydney ressemblent plus à un décor de cinéma qu’à une vraie ville ! Et puis on sent que l’Anglais est ici le maître : le pub occupe tous les pignons de rue ! La ville est bariolée de "Toohey’s New", de "Victoria Bitter" ou autre "Foster".

A la sortie du centre, en haut d’une grande avenue qui monte vers un immense néon Coca Cola, on descend au pied de notre hôtel, l’Holiday Inn de Potts Point, en plein quartier de Kings Cross. Après l’enregistrement à l’hôtel, on dépose les bagages et on part pour notre premier breakfast australien.

Une petite brise fraîche nous arrache quelques grognements, amplifiés par la fatigue. On se décide pour un pub à quelques pas de l’hôtel. L’intérieur est très coloré, tout de moquette rouge, un peu à l’italienne. On commande du thé, des toasts et un immense jus d’orange. En plus des classiques beurre et confitures, on nous propose une spécialité du pays: le vegemite…Bien sûr, avide de découvertes, j’en recouvre généreusement l’un de mes toasts…et constate que c’est dégueulasse à la première bouchée ! ! !

On dirait du viandox solidifié, comme si on étalait un cube de bouillon sur une tartine ! Pour la gastronomie, ça promet !

Rassasiés, nous regagnons notre chambre sous un soleil étincelant tandis que l’agitation commence. Le quartier où nous sommes semble être le quartier chaud de cette ville propre et moderne : des bars partout, des cinémas X, quelques clodos aborigènes et des policiers à cheval qui veillent. Il faut ajouter les innombrables restaurants ou plutôt fastfoods étrangers et notamment asiatiques (chinois, viets, turcs…).

Une fois installés, nous entreprenons une sieste pour récupérer. La vue panoramique dont nous jouissons est exceptionnelle : nous avons à nos pieds le cœur de Sydney : Harbour Bridge, l’Opéra, la baie, la City, Woolloomoolloo, Victoria Gardens, etc. Cette vue me rend impatient d’aller arpenter, ce qui m’empêche de dormir.

Finalement, vers 10H, pas reposés, n’y tenant plus, on sort.

Nous descendons à pied la grande avenue par laquelle nous sommes arrivés. La circulation est dense mais rapide. On se croirait vraiment dans une ville californienne : palmiers, soleil de plomb, grosses bagnoles rutilantes, hauts buildings neufs ou en construction. Sauf qu’ici, les panneaux publicitaires vantent la lingerie lancée par Kylie Minogue et qu’il fait 18°C parce qu’on est en hiver…

Nous obliquons et pénétrons dans le quartier de Woolloomoolloo. Bien sûr, il n’a plus rien d’aborigène, mais il a un cachet typiquement australien : c’est un quadrillage de petites maisons en briques de style victorien. Chacune a en effet un balcon de bois sculpté ou une façade stylisée. Pour parfaire le décor, les rues sont bordées d’eucalyptus. Leur tronc blanc et leur feuillage clair donnent un éclat qu’on ne trouve que dans ce pays.

Nous traversons silencieusement ces rues tranquilles, identiques et inondées de soleil frais. Soudain, nous débouchons sur un quai bordé de restaurants neufs et des premiers arbres des Victoria Gardens.

Le calme de ce petit port en pleine ville nous réjouit. Nous gagnons le parc en longeant de superbes villas qui donnent directement sur les eaux limpides de la baie de ce qui fut autrefois Port Jackson, lieu de débarquement des condamnés britanniques à la déportation.

Le parc, légèrement escarpé, ressemble au premier abord à n’importe quel parc européen. Mais très vite la vue détecte un environnement inhabituel, composé d’une infinité d’espèces végétales qui n'ont pas cours en Europe : des sortes de palmiers dont le tronc semble prêt à éclater, des espèces de plantes géantes dont il vaut mieux qu’elles ne soient pas carnivores, bien sûr l’omniprésence de l’eucalyptus mais décliné dans plusieurs familles.

A vrai dire, c’est plutôt la présence de coureurs ou promeneurs d’allure européenne qui semble incongru sur cette autre planète…Ils font leur petit footing, comme si de rien n’était ! Le parc est également une merveille par les vues qu’il offre.

La première est le skyline de la city, suite d’immeubles ultra-modernes coiffée d’une tour pointue qui crève le ciel comme pour clamer l’agressivité commerciale, la puissance financière, l’arrogance politique de la place. Assis dans l’herbe tropicale (rase et ronde), nous contemplons ce décor de cinéma, vibrant de toute sa puissance et résonnant de son avant-gardisme.

Nous reprenons notre marche pour découvrir un peu plus loin l’autre vue splendide qu’offrent les Jardins : la célèbre vue panoramique sur l’Opéra et le Pont.

Interloqués, nous prenons place sur un banc sous un arbre non identifié pour jouir de ce spectacle. A notre portée immédiate viennent mourir de petites vagues provoquées par le passage incessant de bateaux au loin.

Au deuxième plan se dresse la silhouette incomparable de l’Opéra House, qui constitue à elle seule un symbole du pays, au même titre que M. le Kangourou. Ses formes évoquent ce que chacun veut bien y voir : une tribu de tortues, les feuilles d’un palmier, les voiles d’un navire…Sa carapace blanche brille dans le soleil de la mi-journée.

Le troisième plan est barré par le fameux pont métallique qui relie le nord au sud de la baie, Harbour Bridge. Bien que somme toute peu original, puisqu’il pourrait passer inaperçu à Lisbonne ou à New York, son absence défigurerait immanquablement la ville.

Revenus de notre étonnement, nous gagnons l’Opéra en longeant les berges du parc. La chaleur commence à se faire sentir, du moins de face, le dos restant dans une certaine fraîcheur. La veste à la main, nous découvrons l’édifice de près. Sa carapace est en fait une collection de panneaux blancs dont la composition semble celle d’une balle de golf géante. En fait, il s’agit de plusieurs bâtiments contigus. Nous entrons dans l’un d’entre eux pour connaître les heures de visite.

On constate très vite que si nous parvenons à nous faire comprendre, il est difficile de piper un traître mot de leurs onomatopées à consonance britannique. D’ailleurs, les publicités qui bariolent les bus, les indications des panneaux routiers ou les explications fournies dans les brochures emploient des termes peu usités dans l’anglais standard américain. Un peu comme les Québécois, les Australiens usent d’une version bien à eux de la langue autrefois colonisatrice. Par exemple, il est écrit sur les bus "do not take over" alors qu’il serait plus standard d’utiliser "do not pass". L’emploi de ces termes n’est pas à vrai dire la principale raison de la difficulté de comprendre ce que racontent les Australiens.

Non, la vraie barrière, c’est leur accent ! On pourrait même dire leur "#?!// d’accent" ! A tel point qu’en ce premier jour, j’ai bien cru que je ne comprenais plus du tout l’anglais ! On arrive cependant à comprendre que les visites ont lieu vers 14h.

En attendant, on décide d’aller manger sur le pouce. Nous nous installons sur la terrasse du café de l’Opéra, qui donne sur l’immense Bridge. On a l’impression de l’avoir pour nous tous seuls, confrontés à son gigantisme.

En nous restaurant, nous ne tarissons pas d’éloges sur la beauté et la modernité du site, même si la relativité de la chaleur déçoit un peu. Tranquillement assis, nous nous reposons un peu devant le ballet incessant des ferries, voiliers, cargos, bateaux de pêche. Les rues environnantes connaissent elles aussi l’agitation inhérente au dynamisme incontestable de cette ville. Même le pont est envahi par un flot de voitures, camions, motos, vélos, promeneurs, runners et même grimpeurs, puisqu’il est possible de l’escalader…

Fatigués, nous nous traînons le long des quais du port central appelé Circular Quay.

C’est un haut lieu de Sydney, le forum, la place publique, peut être le cœur de la ville. Des banques, des restaurants, des appartements chics, les docks d’où partent les innombrables ferries qui sillonnent inlassablement la baie…Une foule hétéroclite y circule : des jeunes cadres dynamiques, des mères de famille avec la poussette, des Chinois, des touristes et ô miracle UN aborigène !

Il est assis à même le quai, en plein soleil, peinturluré de blanc et joue du didgeridoo en martelant le sol en cadence avec un petit bout de bois lourd.

Interpellés, nous l’observons discrètement, impressionnés par le personnage. Le pauvre fait la manche mais ne semble pas s’en offusquer. Son air indifférent laisse même penser que son sort est une fatalité pour lui. Ça en dit long sur le décalage culturel qui persiste malgré l'histoire tourmentée de cette ancienne colonie…La vue de cet homme provoque en nous un déclic, une réalité à laquelle nous n’avions jamais fait face.

Bien sûr, nous avons lu les massacres qui ont été perpétrés par les colons contre ces peuples non violents pour la plupart. Bien sûr, nous savions que les maladies contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés ont causé d’horribles hécatombes. Bien sûr, nous savions qu’ils avaient fait valoir leurs traditions et leurs territoires après de grands procès… Mais ces connaissances ne suffisent pas pour comprendre la réalité de cette civilisation.

Le spectacle de cet homme assis par terre au milieu de la ville, vêtu de peintures mystérieuses, soufflant dans un bout de bois exprime en lui-même un déphasage dramatique entre sa civilisation et la nôtre. La civilisation européenne, qui a produit tous ces buildings, ces routes, ces paquebots sous toutes les latitudes y compris ici à l’autre bout du monde a considéré la civilisation aborigène comme primaire, retardée, voire inférieure.

Le deuxième élément qui frappe est le regard de cet homme. Son expression n’est descriptible par aucun mot. On ne peut que l’évoquer par des approximations. Ni triste, ni joyeux, ni agressif, ni sympathique, ni désabusé, ni servile, ni craintif, ni vindicatif… On pourrait comparer son expression à celle d’un homme qui n’a connu que la misère et qui ne peut imaginer un autre sort. On ressent comme une immense indifférence pour ce qui l’entoure, peut-être une forme de mépris auquel on ne pourrait attribuer un caractère certain.

On ne sait pas ce que pense cet homme, mais on présume qu’il ne pense pas du bien sans pour autant trahir la moindre agressivité. C’est une expression très étrange qui nous jette en pleine figure notre incongruité dans le décor. Nous prenons soudainement conscience à quel point nous sommes loin de chez nous !  Que sommes-nous venus faire ici ? Que sont venus faire ici nos ancêtres, à tout détruire ? En voyant cet homme, on ne se pose pas la question "Pourrons-nous être amis ?". On comprend que par la faute des colons, la réponse est très probablement "non" pendant encore longtemps…

Les colons européens ont détruit une civilisation qui ignorait la barbarie, la conquête et la corruption…Oh ! Il devait bien y avoir des rivalités, mais elles étaient certainement moins destructrices que les nôtres. En voyant cet homme obligé de faire la manche pour survivre chez lui, j’ai eu honte d’être européen. Et j’ai compris que cette civilisation martyre ne pourrait jamais pardonner tout le mal qu’on lui a fait et ne pourrait sans doute jamais non plus s’en remettre. Ce qui frappe le plus, c’est que cette violente réalité éclate au grand jour, au cœur d’une métropole mondiale mais que personne n’en parle…

Qui écouterait, de toute façon ? Nous ne nous intéressons trop souvent qu’à ce qui nous touche directement. Qu’avons-nous à faire d’un peuple déraciné ? Malgré ce malaise inattendu, nous poursuivons notre voyage.

Nous partons en croisière grâce à notre forfait de bus. Nous prenons place sur le pont d’un ferry et découvrons pendant 2H30 la baie de Sydney.

La fatigue commence à se faire lourdement sentir…Difficile de lutter contre le doux bercement du tangage !

La baie de Sydney n’est pas une légende pour rien : c’est tout simplement grandiose ! Assis sur notre banc, hébétés au soleil comme des pingouins, nous voguons le long d’une suite infinie de villas toutes plus modernes les unes que les autres.

L’architecture est un art, on n’en doute plus : chaque villa est un caméléon de verre et d’acier, parfaitement intégré dans son environnement.

 

On sent le calme et la douceur de vivre dans ce refuge de l’immense Pacifique dont les eaux sont d’un bleu marine intense. Au fur et à mesure que des quartiers se présentent devant nous, une voix enregistrée donne des explications sur leur histoire ou leurs particularités.

Ce qui surprend, outre l’architecture, c’est la végétation, mélange d'essences locales et méditerranéennes. Partout, des petites plages aux eaux calmes, avec quelques commerces et de superbes villas…Les immeubles n’existent pas, ici ! Après s’être éloignés du centre-ville pendant une heure et demi, nous sommes toujours dans Sydney, mais dans ses quartiers orientaux. Un bref arrêt, et nous faisons demi tour.

Le retour se fait sans commentaire... On nous réveille lorsque notre bateau arrive sous Harbour Bridge. Encore dans les vapes, on contemple le dessous du pont, les premières maisons et buildings des quartiers Nord et bien sûr, la vue imprenable sur l’Opéra. Une fois à quai, nous décidons de nous rafraîchir en attendant l’heure de la visite de l’Opéra.

Sur la terrasse qui le borde, face au pont, nous nous reposons un peu. C’est vrai que ça fait beaucoup pour une seule journée, mais il aurait été dommage de venir si loin pour perdre un ou deux jours à dormir. Les créneaux de vols ne nous permettaient de rester que 15 jours sur place, alors on a pas de temps à perdre. Abrutis de fatigue, nous nous traînons dans l’Opéra tandis que le soleil décline…

Bien qu’intéressante, la visite est crevante : le guide baragouine son anglais à la mords-moi-le-nœud et nous fait tenir debout longtemps. Ce n’est que lorsque nous visitons des salles que nous pouvons enfin nous asseoir !

En fait, c’est un bâtiment qui a été achevé dans les années 1970. C’est pourquoi l’intérieur sent un peu le renfermé. Le guide nous raconte qu’il est le fruit d’un projet lancé en 1959 et achevé en 1973. Plusieurs raisons expliquent ce long délai.

D’abord l’architecture. Au départ, il était question de représenter un palmier. Puis, devant l’impossibilité technique de réaliser une telle folie, le palmier s’est transformé en voilier.

Ensuite, l’argent. Bien sûr, une telle entreprise demande des crédits, beaucoup de crédits ! Et comme souvent, ceux-ci sont venus à manquer en cours de réalisation…Aussi, de coupes budgétaire en ajustements architecturaux, le projet a pris une tournure qu’on pourrait qualifier d’imprévisible !

Enfin, la polémique. Dès le départ, le projet a eu ses détracteurs. Jusque là, rien d’inhabituel, puisque la Tour Eiffel, par exemple, est passée par là. Mais avec le retard qui s’accumulait, les rallonges budgétaires dont on ne voyait plus la fin (le prix final était 15 fois le prix initial !) et le doute qui pesait quant à la beauté d’un monument dont on ajustait la forme au fur et à mesure de son avancement, les détracteurs sont devenus très majoritaires…

On imagine alors la multitude de surnoms dont on affublait ce qui allait devenir un monument de renommée mondiale ! Aujourd’hui, c’est une affaire qui tourne, car plusieurs concerts ont lieu chaque semaine avec assez fréquemment des stars internationales. L’Opéra est maintenant un haut lieu artistique mondial, une sorte de passage obligé pour qui veut prétendre avoir embrassé une grande carrière de musicien. Venir à l’Opéra est d’ailleurs une distraction toute naturelle pour les sydneysiders et incontournable pour bon nombre de touristes. C’est la raison pour laquelle il est impossible de visiter toutes les salles de concert le même jour : il y en a toujours une d’utilisée !

On a de la chance, la Grande Salle est libre…Quand on y pénètre, on a forcément le souffle coupé !

On a l’impression d’être un poussin microscopique dans un immense œuf, car la salle a une forme ovoïde. Tout est feutré : les sièges sont en velours, les murs recouverts de bois, les sols recouverts d’épaisses moquettes…Ca sent le renfermé mais c’est ultra propre !

Assis sur une rangée au milieu de cette salle, nous tentons de comprendre ce que raconte le guide tout en observant l’immense orgue qui nous fait face. Il nous donne des chiffres sur les dimensions, il nous indique que l’acoustique est d’une qualité unique au monde (ce que nous constatons, car les bruits parasites semblent étouffés par les moquettes tandis que les bruits dominants semblent conduits directement dans nos oreilles en longeant les parois de bois).

La vue est quasiment panoramique, on en a presque le vertige ! On serait bien restés dormir dans les confortables fauteuils de cette Grande Salle, mais il faut continuer. On visite les salles arrières, qui donnent une vue panoramique sur la baie qui s’illumine. Le Bridge baigne dans un festival de lumières multicolores.

 

Nous montons un large escalier de velours mauve et accédons dans un vestibule titanesque aux formes dissymétriques. D’imposantes voûtes de béton constituent l’ossature du bâtiment principal. Le guide raconte quelques anecdotes sur la construction de ces voûtes, mais je suis trop fatigué pour en décrypter les nuances.

Après une bonne heure et demie dans ce lieu mythique, nous regagnons nos pénates en prenant un bus à Circular Quay. C’est l’heure de pointe, alors nous sommes plongés dans l’univers quotidien des autochtones qui rentrent du boulot ou des courses. Ca fait drôle de les voir porter des manteaux, pour nous qui sommes en été dans notre tête !

Nous mettons à profit le temps perdu dans les bouchons pour découvrir certains quartiers : Hyde Park, St Mary’s cathedral, etc. Ca circule très mal, mais on s’en fout, on observe, à moitié endormis. Les habitants ont un look très européen, plutôt BCBG mais très tendance. On ressent d’autant l’attachement à Londres.  C’est vraiment comme là-bas, mais avec beaucoup moins d’étrangers et un niveau de vie moyen bien plus élevé : le Royaume-Uni a énormément perdu en perdant ses colonies.

Ça se fluidifie un peu lorsqu’on arrive au tunnel qui passe sous Woolloomoolloo. Le temps de remonter vers King’s Cross et nous descendons, au pied de notre hôtel.

Lorsque nous regagnons notre chambre, la tentation est grande de se coucher directement. Mais il n’est que 6:30 du soir. Aussi, nous nous reposons un peu en mettant le télé en sourdine : ils ont ABC, BBC, MTV, Fox, etc. Après une bonne douche, nous sortons à la recherche d'un endroit sympa pour manger. Nous allons rester dans le coin, puisqu’il regorge de restos, bars, boîtes…Vers 7:30 du soir., nous sommes dans Victoria St, notre rue.

On fait un petit tour pour observer ce qui se présente : on repère une trattoria, mais ça nous dit rien. Demain, peut être ! Un peu plus loin, quelques fast foods un peu crados (kebabs, burgers, frites…). Ça ne nous inspire pas. Et puis on voudrait un vrai repas, puisqu’on a grignoté toute la journée.

On flashe sur un asiatique. Dieu que ça a l’air bon ! Des soupes, des poulets, des légumes découpés, une odeur de chinoiseries qui décuplent l’appétit…Tout a l’air frais et les cuistots se démènent silencieusement comme seuls savent le faire les futurs maîtres du monde. On s’assoit en terrasse, malgré la légère brise fraîche du début de soirée. On commande chacun une soupe spéciale.

A l’accent du serveur, on devine sa fraîche immigration. Ceux-ci sont venus pour bosser, c’est clair ! Et pendant qu’on s’échange nos impressions sur cette première journée sur le continent australien, ça pulse en cuisine : on coupe une multitude de légumes, on fait cuire des sauces qui semblent être à la noix de coco, on cisèle de la salade…Jamais on a vu faire une soupe aussi compliquée !

Après une certaine attente, on voit arriver deux énormes saladiers fumants. Les effluves qui en sortent nous suscitent un regard malicieux. Miam, miam ! Pas de doute, c’est la meilleure soupe qu’on ait eue à manger…C’est très copieux : du poulet, des vermicelles, de la salade, un peu de menthe, une sauce coco, des pousses de bambous, du soja et que sais-je encore.

Le ventre plein, nous regagnons tranquillement notre chambre, trop épuisés pour écumer les pubs !

 

 

Vendredi 9

 

Après une excellente nuit, nous nous préparons devant le panorama splendide qu’offre notre fenêtre : Harbour Bridge, l’Opéra, le Park, les buildings et la baie sont toujours là ! On a donc pas rêvé ! On prépare le sac à dos pour la journée : appareils photos, crèmes solaires, chèques de voyage en dollars australiens, lunettes noires, pull (on est en hiver !) et nous descendons tranquillement à l’assaut de la ville.

Comme la veille, il fait beau et frais. Pour le petit déj’, on s’arrête dans un boui-boui chinois (la communauté asiatique est très représentée, surtout à Sydney). On commande un vrai petit déj’ de Londoner : eggs, sausage, tomato beans, jus d’orange, toasts et bien sûr thé à volonté avec un nuage de lait…

C’est pas très propre, mais c’est copieux et pas cher ! Nous dévorons joyeusement d'énormes toasts. Et puis nous décidons de prendre le métro à King’s Cross (juste derrière) pour visiter la city.

C’est pas le métro parisien ! Agréable, sûr, en musique, propre et moderne, on pourrait dire que c’est même son antithèse ! Normal, on est aux antipodes de l’Europe !

Mais il faut replacer les choses dans leur contexte : au moment où l’on construisait enfin un métro à Paris (celui de New York avait déjà 30 ans et celui de Londres 50 ans !), Sydney n’était encore qu’une ville moyenne au bord de son immense baie…Les déportations de condamnés n’étaient pas si lointaines dans le temps et le continent était alors très peu occidentalisé. Ce n’est que depuis la seconde guerre mondiale et notamment depuis la fin de l’Australie Blanche (1972) que la ville s’est transformée en métropole. La richesse du pays (principalement minière) alliée à l’avance technologique de l’époque en ont fait la cité moderne que l’on sait. Et puis, il ne faut pas négliger le soin apporté à l’hygiène et à la sécurité publiques. De même que les douanes font un travail sérieux, la police mène une surveillance et une répression étroites.

Dans King’s Cross, quartier un peu chaud, la police montée est omni-présente, surtout le soir et près du métro (repaire de pauvres clochards, aborigènes pour la plupart). La liberté encadrée est le prix d’une ville propre et tranquille, les Anglos l’ont bien compris.

Nous prenons donc un train en direction de Circular Quay. Nos co-voituriers sont des travailleurs qui se rendent au bureau, à en juger par le nombre de costumes, tailleurs et autres cravates. C’est la classe !

Après un changement et la traversée d’une station qui ressemble plus à une galerie marchande qu’à une bouche de métro, nous nous retrouvons en plein quartier chinois.

C’est le jour du marché, on en profite pour faire un tour. En fait, il y a principalement des échoppes de souvenirs : des boomerangs, des kangourous en peluche, des koalas, des chapeaux de chasseur de crocodile, etc. Et le tout à des prix défiant toute concurrence ! Ils sont forts, ces Asiatiques ! Du coup, on fait le plein de kangourous, koalas, boomerangs, moutons…même si on n'a encore rien vu de tout ça en vrai sur le terrain !

En sortant de ce marché, on se paume un peu avant de déboucher sur Darling Harbour. C’est un port aménagé pour les touristes : des allées d’arbres bizarres et très fins, des boutiques et restaurants, un vieux galion et surtout la vue sur les buildings ultra-modernes de la City.

Au milieu de ces buildings, surgit un immeuble en forme pointe comme une épée.

Apparemment, c’est une terre de réussite pour les propriétaires de ces mastodontes de béton et de verre ! Tout le monde a sa place et sa chance, dans ces mondes nouveaux et c’est ça la différence essentielle avec l’Europe. Quoiqu’on dise, le Vieux Continent est saturé d’histoire, de lois, d’habitants, d’habitudes et de préjugés. Au mieux, on conserve le rang que la naissance nous a attribué. Même ceux qui se prétendent progressistes s’agrippent à ce qu’ils pensent être des acquis sociaux.

Bien sûr, rien n’est parfait ici non plus et surtout pas l’économie anglo-saxonne : les laissés pour compte sont nombreux, mais le travail est tout de même mieux récompensé et la liberté d’entreprendre plus réelle. Le revers de la médaille, en Australie, c’est que les indigènes, qui n’ont pas encore pleinement intégré la notion de travail, sont presque tous des laissés pour compte…

Tranquillement, tandis que nous longeons les eaux calmes de Darling Harbour, le soleil commence à dissiper la fraîcheur matinale. Nous partons à la recherche d’un tour operator pour réserver la visite des Blue Mountains. Après quelques détours, nous trouvons enfin le guichet de "Great Sights Tours", derrière le port sous un grand hôtel avec casino. Fallait trouver, quand même !

Sans difficulté linguistique notable (pour une fois), je réserve deux places pour le lendemain. L’hôtesse nous informe qu’une navette passera nous chercher à 7:30 a.m. en haut de King’s Cross. Ça, c’est de l’organisation !

Puis, nous reprenons notre balade et traversons Darling Harbour afin d’aller visiter l’aquarium !

Je paie l’entrée directement en chèques de voyage (pratique, quand même !) et nous voici au milieu des gamins d’une école venue faire comme nous, c’est-à-dire admirer la faune aquatique du coin.

Y’a vraiment de tout : des espèces de poissons spécifiques à ce continent qu’est l’Australie (autant dire qu’il y en des pléthores, de toutes les tailles et de toutes les couleurs), notamment un gros bidule appelé "barramundi", une espèce de barracuda avec des grosses écailles grises : très imposant !

On voit aussi des serpents de mer ; d’ailleurs, on se marre à écouter l’accent d’une gosse qui tombe en arrêt devant l’un d’eux : "Oh mainlle geude, waintzaint ?" (Oh my god, what’s that ?) et sa copine lui répond : "èts èy snaink ! " (it’s a snake !). Ils ont vraiment un accent nasillard !

Plus loin, des crocodiles barbotent dans leur marre : il y a deux grandes familles de ces saloperies, en Australie : les "freshies", pas trop dangereux et qui pataugent dans les rivières et les "salties", très dangereux et qui vivent dans la mer. Les freshies sont plus petits, plus fins et ont un museau arrondi. Les autres peuvent dépasser les 4 mètres de longs et sont de gros pépères avec de tout petits yeux qui scrutent attentivement la moindre proie…Brrr ! Ca fait froid dans le dos, d’imaginer se faire happer tout cru par ce qu’on pensait être un tronc d’arbre immergé !

Viennent ensuite les otaries, dont on peut voir la gracieuse trajectoire par un hublot qui donne sur le fond de son bassin. C’est vrai que la faune australienne comporte aussi des espèces antarctiques, puisque le pays est bordé au sud par l’océan du même nom.

Et puis vient le tour des tortues de mer, dont on peut admirer la nage silencieuse en étant dans un tunnel de verre qui passe carrément dans leur immense bassin !

Et le clou du spectacle : les requins ! Ils nagent, au-dessus de notre tunnel de verre.

On voit leur ventre, qui nous garde une petite place! C’est très impressionnant, il y en a dans tous les sens et on a l’impression de nager au milieu d’eux !

On termine par le magasin de souvenir, qui vaut presque le détour à lui seul.  Il est rempli jusqu’au plafond d’"Australiana", c’est à dire de produits australiens : didgeridoos, boomerangs, dents de requins ou crocodiles, vins du terroir, etc. Les produits sont visiblement de qualité, mais trop chers : on en trouvera sûrement ailleurs !

Émerveillés, nous quittons l’aquarium et nous dirigeons vers le cœur de la City.

L'endroit ressemble à toutes les grandes villes américaines : des gratte-ciel, des grosses bagnoles, des flots de taxis, un métro perché sur une liane de métal, une agitation trépidante…Nous nous dirigeons vers le Harrods du coin : Queen Victoria Bulding (alias QVB), une galerie marchande grand siècle comme on en rencontre à Paris.

C’est une enfilade couverte de boutiques en tout genre : fringues chic, chocolatier, fleuristes, parfumeur, librairies. Rien d’exceptionnel si ce n’est le décor très…victorien !

On se repose quelques instants sur un banc, à contempler le spectacle de la rue. Visiblement, c’est un centre névralgique de la ville : le flot des passants est continu, d’autant qu’on est près de la pause de midi. N’ayant pas très faim, nous décidons de marcher un peu.

On longe les boutiques pour sortir de QVB. Mais on n’en sort jamais ! A notre grande surprise, nous découvrons que Sydney est aussi une ville souterraine ! Le centre-ville est sous la rue…

Après QVB, on débouche directement dans une station de métro remplie de magasins, dont une grande surface où nous achetons des babioles.

Un peu plus loin, nous explorons les rayons d’un marchand de disques pour trouver des curiosités ACDC…Rien ! Moi qui croyais trouver des perles ! Puis, on traverse le quartier des restos, dont l’effervescence est proche : c’est un festival de couleurs, d’odeurs et de bruits plus exotiques les uns que les autres. Ici, une rangée d’enchiladas ; là, une montagne de nems ; ou encore là, des piles de pizzas aux mille arômes…

Alors que la longueur de souterrain urbain à explorer nous semble insondable, nous décidons de refaire surface. On tombe sur une artère principale, avec un de ces mondes et une de ces circulations ! Partout, des feux tricolores qui imitent le bruit du pivert quand on peut traverser, c’est folklo ! On suit cette avenue jusqu’au Circular Quay.

De là, on commence à regarder les quelques restos, mais rien ne nous dit. Alors on grimpe dans un bus tout bleu qui propose aux heureux détenteurs du Sydney Pass que nous sommes une balade vers les plages de la ville… On attend un peu que le plein de touristes soit fait, et nous voilà partis !

Une brochure bleue intitulée "Bondi Explorer" nous détaille le parcours. En fait, on va faire une grande balade dans toute la banlieue est de Sydney, en longeant le Pacifique…C’est vachement bien organisé, leur truc, puisque tout est commenté dans un casque individuel.

On traverse Kings Cross, puis Woolloomoolloo. Partout, de superbes villas victoriennes et modernes ombragées par le roi eucalyptus. On passe près du port militaire, où mouille quelques grands navires de combat, puis on s’enfonce dans la banlieue plus lointaine. En fait, on refait un peu la balade de la veille, mais cette fois-ci sur terre.

Du coup, on voit la Baie depuis les jardins. Autant dire que c ‘est magnifique…Nous ne quittons pas les agréables quartiers résidentiels parsemés de villas eucalyptussées…On dirait une Côte d’Azur tranquille, tableau surréaliste aujourd’hui ! Le comble, c’est que c’est une banlieue…De temps en temps, notre chauffeur s’arrête pour une pause photo. A un moment, il nous photographie tous les deux avec pour toile de fond la Baie, les villas, des arbres étranges et au loin, Harbour Bridge…

Et on continue, toujours dans les villas. Le commentaire nous sert de bruit de fond, il fait bon, on se laisse bercer par le bus, c’est cool…

Une demi-heure plus, tard, nouvel arrêt, cette fois au niveau de l’entrée de la Baie.

Enfin, nous voyons pour la première fois le plus grand océan de notre planète, celui qui évoque immanquablement les cocotiers et les vahinés, celui dans lequel se baignent les Papous et les Incas : le Pacifique.

Il est d’un bleu méditerranéen, avec des petites crêtes d’écume d’un blanc vif. On sent venir à nous le vent du large, doux mais tenace. Au loin, quelques voiliers glissent tranquillement.

L’entrée de la baie est une série de falaises abruptes qui surplombent les eaux bleues du Pacifique. On dirait un peu les falaises normandes, mais en version plus tropicale et sauvage.

Nous contemplons quelques instants ce théâtre naturel qui a vu l’arrivée des premiers explorateurs, puis longtemps après les premiers déportés. Ça devait faire bizarre, ces galions franchissant ces falaises sous l’œil intrigué des aborigènes…Aujourd’hui, l’endroit est resté sauvage, car il est inhospitalier. Il est donc aisé d’imaginer le tableau.

Le chauffeur nous tire de nos rêveries en rappelant ses troupes : il a fini sa clope, alors "it’s time to go !".

Et puis c’est la découverte de la côte des Nouvelles Galles du Sud. C’est une succession de petites stations balnéaires très européanisées, avec une certaine frime californienne.

On descend à la plage célèbre du coin : Bondi (prononcer "bondaï"). En fait, ça n’a rien d’exceptionnel : une petite crique au fond de laquelle se niche une petite ville bordée de restaurants, cafés et autres magasins d’article de plage ou de surf. Nous décidons d’aller sur la plage. Il fait un peu frais à cause du vent, mais qu’importe, c ‘est bondé !

Assis sur une serviette, nous couvrons prudemment notre visage de crème solaire. L’eau attire pas mal de baigneurs, surtout des surfers. D’ailleurs, des gamins sont en plein cours de surf avec un prof qui semble bien déconner avec eux.

Je ne résiste pas à l’envie d’aller au moins me tremper les pieds. Surprise, l’eau est plus chaude que l’air. Je comprends pourquoi il y a tant de monde ! Et puis je passe quelque temps à marcher dans cette eau pacifique, en regrettant de ne pas avoir mis mon maillot...

Je vois passer des surfers, de retour d’une bonne partie de rigolade. Ce qui surprend, c’est qu’ils paraissent sympathiques, alors qu’on pourrait les croire imbus d’eux-mêmes, ces frimeurs !

Ici, surfer n’a rien d’extraordinaire ; on est dans l’océan qui a créé ce sport ancestral des peuples océaniens. Donc on ne cherche pas à se donner un genre, on ne fait que pratiquer les loisirs locaux. D’ailleurs, tout le monde s’y met : les vieux, les jeunes, les nanas, les mecs…Il est aussi naturel de surfer ici que de faire du vélo à Amsterdam !

Je m’approche du groupe d’écoliers qui apprend le surf avec leur prof de sport. Y’en a plein qui pataugent, mais ils s’éclatent ! Leur prof a l’air d’un sacré numéro, bonne brute joviale et chauvine. Il gueule joyeusement après les bambins, qui rigolent en buvant la tasse et drague un petit groupe de touristes japonaises qui passe par là. Du coup, elles veulent se faire photographier à coté du balaise, histoire de ramener une image typique. Étant moi-même juste à côté, je suis mis à contribution pour prendre la photo. On me remercie ensuite poliment. C’est sympa, tout ça !

Je continue un peu ma balade les pieds dans l’eau et croise bientôt un petit groupe de Japonais, leurs bonshommes sans doute. Ils m’éclatent : même sur la plage, ils sont en costards très chics, cravate au vent !

On décide d’aller bouffer, enfin ! Dans le vent un peu frais de cet hiver austral, nous remontons la plage, puis longeons le petit centre ville de Bondi, qui fait face au large.

Ça fait un peu penser à la côte girondine : quelques boutiques de surf, de souvenirs et des boui-bouis pour bouffer sur le pouce. On s’arrête dans l’un d’eux pour manger une salade de la mer : surimi, pâtes, thon et mayonnaise. Ma foi, copieux et pas mauvais !

Puis on se balade un peu, mais on a vite fait le tour et le soleil décline. On décide d’aller attendre le prochain bus. Après quelques longues minutes, le voilà qui arrive.

On prend place, et c’est reparti pour les commentaires de la visite guidée…

On longe à nouveau la côte des Nouvelles Galles du Sud. C’est plutôt peuplé et urbanisé. L’Australie est un désert, mais pas partout, loin de là !

Après avoir traversé plusieurs stations balnéaires du style de Bondi, le bus retourne vers la ville.

Bientôt, on retrouve les riches banlieues de Sydney. On passe à proximité des studios de télévision Fox et CBS. En fin d’après-midi, alors que le soleil se couche, nous débarquons sur Circular Quay.

Ayant du temps devant nous, on décide de se faire un resto avant de faire la croisière de nuit. On flâne un peu avant de s’apercevoir que dégoter un bon resto dans Sydney pour des prix raisonnables est aussi facile que trouver un kangourou qui parle ! De la bouffe rapide et grasse, en veux-tu, en voilà ! Des restos italiens qui font des pâtes trop cuites accompagnées de sauce en boîte le tout pour un prix repoussant, c’est plus rare ; des chinois, il doit y en avoir dans leur quartier, sinon il reste les enseignes prétendument chiques et réellement chères.

Compte tenu du temps perdu, l’horaire du bateau se rapproche et il nous faut trouver une solution rapide : bouffer un hamburger sur le port…C’était pas notre jour pour la bouffe ! Le type qui nous vend le hamburger doit être grec ou turc. Mais à la différence des Grecs et des Turcs de Paris, il vend vraiment de la merde…Ses sandwichs contiennent une viande passée, trop cuite, caoutchouteuse et insipide. Le tout a un goût de chiottes, c’est innommable !

On boit un soda avec et notre dessert consiste en un truc qui me faisait envie depuis longtemps : un donut ! Tout ronds et nappés de sucre rose et de vermicelles en chocolat de toutes les couleurs, ils avaient l’air succulents. Mais leur aspect compense largement leur goût : on dirait une brioche pourrie qu’on a trempée dans de l’huile de vidange ! ! ! Quelle infamie ! Et dire que les locaux en raffolent ! On est vraiment différents…

Le ventre lourd, on embarque bientôt sur un ferry grâce à notre sésame, le Sydney Pass.

On se presse à l’intérieur, car la température est fraîche ! Nos petites vestes sont les bienvenues ! Une fois le bateau plein, on quitte la rive pour découvrir la baie sous les lumières.

C’est vrai que ça vaut le coup. On pensait faire une redite mais on a vu un spectacle éblouissant.

A perte de vue, des immeubles et des pavillons éclairés et baignés de ces eaux calmes. Au milieu, surgissent brutalement le pont, l’Opéra et la City. La nuit les rend encore plus impressionnants…

On fait un tour dans les quartiers ouest, cette fois-ci, qui sont plus industriels. Des grues illuminent de nombreux docks : Sydney est un port de fret international ne l’oublions pas. Et vu les installations, le trafic semble important. Des zones industrielles prennent leur relais à terre et s’ouvrent sur l’arrière-pays par un écheveau inextricable de voies ferrées encombrées de wagons contenant des troncs, des voitures, du gravier, de la ferraille…

On progresse jusqu’à un pont qui relie les deux rives, le deuxième après Harbour Bridge. Ici, la baie est plus resserrée, le pont est donc moins grand. Puis on revient en longeant la rive nord, plus calme que l’autre. Là encore, les villas se succèdent inlassablement.

Une petite manœuvre, et nous débarquons. Fatigués mais enchantés par nos aventures du jour, nous prenons le premier métro pour Kings Cross. Sa sécurité nous impressionne, car il est plus de 21 heures et c’est d’un calme olympien…Pas de viande saoule ni de clochards dans tous les wagons. Par contre, pas d’ambiance non plus. A cette heure-là, tout le monde est apparemment à la maison.

Après un petit quart d’heure et un changement, nous arrivons au pied de notre hôtel. La fête bat son plein, ici, puisque c’est vendredi soir. Il faut traduire par soir de relâche et donc de beuverie. C’est donc ici qu’ils sont tous !

Pour parer à tout débordement, la densité de flics à cheval est impressionnante ! On remarque qu’il existe des rues où il est autorisé de boire et d’autres non. Les lois sont à la mesure des mœurs…On fait un très rapide tour, histoire de tâter l’ambiance, mais on est trop fatigués pour ça…Ce sera une autre fois !

Notre chambre nous attend, douillette et calme, avec sa splendide vue sur le pont illuminé de façon majestueuse.  La Fox passe une présentation de Sydney, BBC fait le point sur l’actualité et la météo (demain, soleil et 19°C) tandis que des séries débiles sévissent sur d’autres chaînes.

On s’endort rapidement en pensant au lendemain et ses montagnes bleues…

 

Samedi 10

 

Wake up ! Early morning !

Ce matin, le car passe nous chercher à 7:30 am et apparemment, c’est pas comme en France pour les horaires, ici… Disons qu’ils ne les respectent pas de la même façon ! Il vaut mieux être légèrement en avance.

Mais on a encore le temps, puisqu’il n’est que 6 heures. Le jour commence à poindre sur cette magnifique ville.

On décide de rester dans le quartier pour le petit déjeuner. On arpente Victoria Street quelques minutes avant de tomber sur un boui-boui turc ou quelque chose dans le genre, avec des jus d’orange, des croissants, des brochettes, des petits pains…On s’installe à une table et on commande des toasts, du café, un grand jus d’orange, beurre et confiture. Après quelques instants passés à bavarder avec le serveur, un Turc immigré, on nous apporte le tout. C’est calme, la ville s’éveille peu à peu.

On parle Europe avec le barman. Il connaît Paris et parle un anglais qu’on a du mal à saisir (une fois de plus !). Une fois rassasiés, on retourne à l’hôtel récupérer nos sacs pour la balade. A 7h20, on est en haut de King’s Cross à attendre notre navette.

Cinq minutes après, on est dans la navette, en direction de Darling Harbourg. Valait mieux pas arriver en retard, ni même à l'heure !

On se paye une nouvelle visite de Sydney. On passe dans Woolloomoolloo, puis vers la gare, les Rocks et on arrive au QG de Great Sights.

C’est un grand rassemblement de touristes de tous les horizons. Y’a une de ces cohues là-dedans !

Notre navette n’est pas notre car, il faut en changer. On vérifie nos noms, on nous parque en rang comme des gamins et au signal, on embarque. C’est ça, l’organisation anglo-saxonne ! Après nous avoir recomptés, le chauffeur démarre. Nous sommes tout devant, pour profiter au mieux du paysage.

A l’aide d’un micro, notre chauffeur se présente de son accent nasillard local. De temps en temps, on entend des rires dans le car ; on en déduit que son flot de paroles indistinctes comporte des blagues.

Après quelques manœuvres pour sortir du cœur de la ville, assez étroit au demeurant puisque les premiers colons ne se souciaient pas des futurs passages de cars, nous passons enfin le fameux Bridge. C’est impressionnant : des autoroutes à 6 voies dans les deux sens, un trafic digne de New York et surtout la structure métallique, dont la hauteur paraît alors titanesque. De part et d’autre, de magnifiques vues sur la Baie. Ça vaut le détour !

Nous découvrons alors le nord de Sydney. Au départ, ce sont principalement des buildings, puisque c’est la suite du centre.

Puis on arrive dans des nœuds routiers qui débouchent sur des zones pavillonnaires moins chic que sur la baie, mais tout à fait acceptables quand même.  Pendant quelques kilomètres, on sillonne ces zones dont la densité décroît à mesure que l’on s’éloigne de la ville. Bientôt, il ne reste que des lotissements et des grandes surfaces. Une demi-heure après, bercés par le flot incessant de conneries du chauffeur, nous arrivons en milieu rural.

C’est assez marrant, la campagne des Nouvelles Galles du Sud. C’est loin d’être un désert, puisque tout le paysage qui s’offre à notre vue est exploité : cultures de blé, d’arbres fruitiers, élevage de moutons, de chevaux, etc. La vue est magnifique, dommage qu’on ne s’arrête pas...

Le chauffeur nous indique le détail du programme de la journée : temps de trajet, lieux visités et heure du repas. Comme ça, pas de surprise ! Dommage, quand on aime les surprises…On regarde calmement l’Australie rurale défiler sous nos yeux.

Même si c’est très agricole, il reste un cachet local : les fermes sont immenses, le soleil est méditerranéen et certaines essences endémiques. Il faut reconnaître l’immense travail accompli pour transformer ces terres vierges en véritables usines agricoles.

Au bout de deux heures de trajet, le relief commence à se manifester. Des petites collines cèdent bientôt la place aux Blue Mountains.

C’est un vieux massif usé, d’altitude moyenne, qui s’insère dans la chaîne récente de la Great Dividing Range.

Elle fait partie de la ceinture de feu du Pacifique, même si aucun volcan n’a eu la mauvaise idée se réveiller jusqu'à présent. On nous explique que pendant longtemps, les colons anglais ont cherché à les franchir sans jamais y parvenir. Les Blue Mountains ont ainsi eu la réputation d’être infranchissables, ce qui a constitué un frein à l’extension coloniale vers l’ouest.

De magnifiques paysages défilent au gré des lacets de la route. C’est resté très sauvage et la végétation est particulière. Il fait assez chaud et le car s’arrête bientôt devant une espèce d’auberge-station service tenue par des Chinois. Hélas, le paysage ne présente ici aucun intérêt…

On en profite pour se soulager, puis on essaye tout de même de trouver un paysage à photographier. On marche donc aux alentours, en vain. Du coup, on va voir les quelques bestioles qui vivent dans la basse cour attenante à l’auberge. Des poules, des canards, des chèvres, une dinde, voilà tout ce qui nous aura distrait pendant cette longue demi-heure de perdue.

Impatients de découvrir les hauts lieux du massif, on remonte dans le car. A nouveau, nous traversons des paysages de montagne. C’est splendide de naturel. Ici, le colon a à peu près su préserver la flore. La faune, c’est une autre histoire, sans doute !

Notre premier arrêt digne d’intérêt, une bonne heure plus tard, nous permet de découvrir Govett’s Leap. C’est un lieu aménagé qui surplombe une vaste vallée couverte d’eucalyptus.

Là, nous comprenons pourquoi les Blue Mountains portent leur nom : les vapeurs des feuilles d’eucalyptus dégagent une espèce d’huile bleutée qui embaume l’atmosphère. Vu la quantité d’arbres, on a l’impression, de loin, que les montagnes sont bleues. En plein vent frais, nous admirons cette vallée et prenons quelques photos avant de remonter dans le car.

Quelques kilomètres plus loin, nouvel arrêt pour découvrir un autre panorama grandiose. Notre car se gare près d’une villa perdue dans les eucalyptus et nous marchons quelques instants dans les fourrés qui cachent un spectacle naturel : une sorte de canyon couvert de végétation et des excroissances rocheuses à perte de vue. On se sent tout petits, au milieu de cet océan vert bleuté.

De prime abord, on pense au Sud de la France ou de l’Italie. Mais il faut surtout prendre conscience qu’on nous emmène au bord du début du commencement des immenses territoires naturels qu’on ne voit pas à cause de la rotondité terrestre. Et là, on réalise la démesure de ce continent.

A cela, il faut ajouter qu’on est en plein hiver au mois d’août et que cet hiver ressemble à un été frais de chez nous dont on aurait raccourci la durée des jours…Enfin, aucun arbre, aucune feuille, aucun insecte ne ressemble de près où de loin aux nôtres. Tout est différent, étranger, dépaysant. La nature nous rappelle que nous sommes aux antipodes. En fait, on est complètement déboussolés !

Un peu plus loin, on nous lâche sur un parking rempli d’autres cars au pied d’une espèce de station téléphérique. C’est une affaire qui tourne, visiblement ! Il paraît que nous sommes dans un bled du nom de Katoomba (18.000 habitants). La moindre petite ville revêt une importance particulière, dans ces contrées désertes.

Il est l’heure du déjeuner, alors on commence par ça. Puisqu’on est perdus dans la pampa, que les touristes sont en masse et qu’il est midi, autant dire que c’est la cohue ! On fait la queue pour recevoir notre pitance digne d’une cantine administrative. En attendant, on échange nos impressions sur ce qu’on a vu au cours de la matinée.

Lorsque c’est notre tour, on prend ce qui nous tente malgré le peu de choix. Et à la caisse, on nous fait comprendre que notre forfait ne nous permet pas de prendre tout ce qu’on veut ! Bon, tant pis! On remet un dessert dans le rayon.

Pour trouver une place, c’est la galère puisque des tas de vieux égoïstes se les réservent à tour de rôle. Le milieu de la salle tourne lentement pour que chacun puisse profiter de la vue. Nous, on préfère une table tout près de la baie vitrée, qui ne tourne pas. Inconvénient : ce sont des chaises hautes de bar. Pour le temps qu’on passera à manger, on fera avec. Dans le bruit, nous mangeons l’infecte cuisine d'une cantoche anglaise. Vraiment, c’est désagréable !

Dès qu’on a fini, on s’échappe au dehors pour respirer le grand air. On décide d’aller dans le Scenic Skyway, un téléphérique panoramique. Il n’y a pas de queue, puisqu’ils sont tous à bouffer !

Le téléphérique est piloté par un petit vieux, qui le démarre cinq minutes après. Sur quelques dizaines de mètres, on est portés au-dessus d’un vide de 220 mètres.

Au milieu de la vallée, il s’arrête. Ça souffle, là-dedans ! La vue est vertigineuse...

Je prends quelques photos de la splendide vue en luttant contre les secousses. J’en prends une des Trois Sœurs, un alignement de trois pics rocheux de taille décroissante, comme les Dalton, accrochés au bord d’un ravin.

Je prends quelques photos panoramiques des grands espaces qu’on surplombe. A l’infini, des arbres, des roches, du gaz bleu. Le tout dans une harmonie totale qui fait plaisir à voir. Si un Aborigène nous racontait que c’est un dieu qui a sculpté l’endroit, on le croirait volontiers.

Le petit vieux nous raconte des trucs incompréhensibles puis attire notre attention sur l’espace entre les deux bancs de bois du milieu de la cage. En fait, il y a un interstice au fond de la cabine, qui donne directement sur le vide ! Malgré les secousses, on distingue en bas des promeneurs qui font un bout de brousse. On dirait des fourmis avec des sacs à dos ! On flippe un peu, quand même...

Le petit vieux nous ramène sains et saufs à la station, qui paraissait loin alors qu’elle n’était qu’à une cinquantaine de mètres ! Nous avons un peu de temps à tuer avant l’heure du ralliement. Au lieu de se taper une autre sorte d’engin suspendu (genre Scenic Railway, juste à côté, dont les locaux raffolent car ils se croient chez Mickey), on se contente d’explorer la petite boutique de souvenirs bondée de monde. Comme tout est très cher, on ressort et on part à l’aventure dans les environs.

On longe une petite route escarpée qui mène à des maisons paumées.

Ébahis par la beauté et la tranquillité des lieux, on prend quelques photos. Les arbres sont étranges : des espèces de fougères de la taille d’un palmier, des sortes de pins avec des pommes poilues et dont les pétales rappellent des grains de cafés éclatés, des arbres aux fleurs jaunes minuscules…

Un peu plus haut, une petite corniche offre un superbe panorama sur les Three Sisters. Je mitraille !Tranquillement, nous redescendons vers notre bus. Une fois tout le monde rassemblé et compté, nous faisons route de retour vers Sydney.

Les contrées que nous traversons sont un peu moins jolies que celles du matin, puisque nous empruntons la Great Western Highway, épine dorsale de l’intérieur des Nouvelles Galles du Sud. Les maisons sont plus nombreuses, de même que les stations essence, qui servent apparemment de drugstore et supérette à la fois. Les zones urbanisées sont quasi continues et commencent dès que nous arrivons au pied des montagnes.

Le chauffeur nous explique que Sydney commence ici, à 110 kilomètres de son centre. La notion de banlieue n’est pas tout à fait identique ici et dans notre vieille Europe !  Dans un immense désert, une ville a des bornes facilement identifiables. Dès lors, sa banlieue peut être très étendue, ce qui est le cas de Sydney qui court sur 110 kilomètres d’Est en Ouest et 80 du Nord au Sud.

Le tout compte environ 4 millions d’habitants, ce qui fait une faible densité pour nous autres Européens, habitués à se serrer les uns contre les autres.  Au total, les banlieues de Sydney sont presque exclusivement composées de maisons individuelles. Pour relier le centre, un réseau de train couvre les distances rapidement et fréquemment.

L’autoroute, quant à elle, n’est pas très pratique, puisqu’elle ne comporte que 2 voies jusqu’aux portes du centre, c’est à dire 40 kilomètres avant. Bonjour les bouchons ! Les maisons sont tout de même assez serrées, ce qui indique un prix du terrain plutôt élevé tandis que la construction semble abordable si on en juge par la taille conséquente des habitations. L’ensemble fait penser aux banlieues américaines sans intérêt. Bientôt, nous arrivons sur la portion rapide de l’autoroute.

Après quelques instants au milieu d’une circulation plutôt intense, notre chauffeur bifurque et se gare devant un parc animalier du nom de Featherdale’s Wildlife Park.

Une fois dehors, nous ressentons la chaleur des plaines de cette fin d’après-midi. C’est qu’il faisait frais, là-haut ! La ferme sauvage restera un excellent souvenir pour les fans d'animaux que nous sommes.

En fait, ça ressemble à un zoo classique, sauf que toutes les espèces sont australiennes et en semi-liberté. En plus, le peu de monde, le soleil déclinant, la douceur de la température et la tranquillité du lieu sont restés dans notre esprit. C’était magique !

D’abord, quelques caresses à des wallabis qui sautent librement dans le parc. C’est doux et mignon !

Ensuite, séance photo en compagnie d’adorables koalas.

Ces gros feignants sont perchés sur des branches d’eucalyptus et s’en nourrissent toute la journée. On nous apprend que le terme "koala" signifie "ne boit pas" car ces braves petites bêtes ne daignent pas descendre de leurs branchages pour se désaltérer. Ils bouffent des feuilles, et ça leur suffit. En contrepartie, ils chient dans tous les sens et l’odeur de merde à la sauce eucalyptus prend un peu à la gorge ! Mais ils sont tellement mignons, on dirait des peluches ! Et puis il y en a plein partout, un vrai festival !

On s’arrête devant deux d’entre eux parce qu’il y en a un qui, voulant s’agripper à une branche, manque sa cible et envoie une tarte involontaire à son voisin qui, pour ne pas changer, dormait paisiblement. Le réveil étant trop brutal à son goût, ce dernier écarquille les yeux, pousse un grognement sourd et réplique d’un crochet du gauche dans la face de son agresseur. Ce dernier grogne à son tour mais manque son coup en réplique, car il est déséquilibré par sa position mal consolidée. Il disparaît dans les feuillages, le cul en l’air ! Le tout s’est passé comme si c’était au ralenti …On se marre franchement devant ce spectacle digne de guignol ! S’ils ont des gestes si lents, c’est paraît-il à cause de leur métabolisme adapté à leur austère régime alimentaire…

Un peu après, on a le droit à des oiseaux inédits : des sortes de mouettes dont le col est bleuté et le regard un peu hagard.

Elles proviennent du Victoria et des mers du Grand Sud, c’est à dire de l’océan Antarctique. D’autres espèces antarctiques les avoisinent dans ce paradis.

C’est ensuite le tour des emblématiques kangourous et d’une espèce issue du métissage entre eux et les wallabis, les peu connus wallaroos.

Les kangourous sont plus grands mais ne dépassent pas 1,50 mètres de haut. On pensait que ça nous dépassait. Les kangourous que nous avons eu l’occasion de voir dans des zoos de chez nous étaient de cette taille, mais on pensait qu’ils étaient un peu ratatinés à cause de leur éloignement ou que c’était une espèce naine. Rien de tout ça, un kangourou c’est pas très haut, un point c’est tout !

Leurs pattes arrières sont impressionnantes, ce sont vraiment de gros lapins montés sur ressort ! C’est l’heure de leur repas, alors on les laisse tranquilles. Au milieu d’eux sautille un albinos, plus petit.

On continue la balade pour découvrir des crocodiles énormes. Ils ne sont malheureusement pas très visibles puisqu’ils sont occupés à baffrer. Par prudence, nous nous éclipsons et nous dirigeons vers un animal que nous ne connaissions pas : le wombat.

C’est une sorte de sanglier mâtiné de porc, tout droit sorti de la préhistoire. On dirait un prototype !

Des panneaux nous préviennent sur son caractère : "we bite !" (on mord). On se contente donc de photographier ce petit monstre, qui grogne parce qu’il est enfermé.

Pendant que je contemple cette étrange créature, Domi me dit de venir voir. J’arrive et découvre une autre curiosité dont j’ignorais l’existence : le diable de Tasmanie !

Moi qui croyais que c’était le fruit de l’imagination des créateurs de Bugs Bunny ! On dirait un énorme rat de la taille d’un chien, avec des crocs de loups et des moustaches de lion. En plus, il est en train de bouffer une carcasse qui ne résiste pas à sa puissante mâchoire...

On a du mal à imaginer que la nature ait pu commettre de telles manipulations génétiques ! On nous avait prévenus que l’Australie avait une faune bien à elle, mais à ce point...

Je reste coi devant ce petit diable pendant que Domi poursuit l’exploration et pousse soudain un cri d’admiration, au loin.

Je me précipite et découvre l’origine de ce cri : de magnifiques dingos, des chiens sauvages de brousse. Ils sont splendides, les pépères !

C’est comme des chiens de traîneau, mais avec une moumoute plus fine et des yeux noirs. Le truc qui ne va pas, c’est leur air un peu triste. En fait, ils ne supportent guère la captivité. Ce sont plus des loups que des chiens. Ils sont tranquilles, à profiter du soleil déclinant et du calme qui précède la fermeture du parc.

A regrets, nous rejoignons notre car, qui reprend l’autoroute vers Sydney.

L’autoroute est pleine de ces travailleurs qui regagnent leur foyer ou qui vont faire des courses. Des carrefour à feux nous signalent que nous arrivons dans les proches banlieues. Alors que le soleil se couche, notre bus fait un crochet par le fameux village olympique qui a accueilli les Jeux de 2000. On s’arrête devant le magnifique grand stade.

Le chauffeur demande si on veut descendre prendre une photo. Personne ne répond, sans doute à cause de la fatigue de la journée. Le chauffeur nous relance : "speak now !" Alors je saisis l’occasion et réponds "yes" au nom du groupe, qui priait sans doute pour que personne ne le dise ! Tant pis, on est là pour visiter et pas pour roupiller dans le car…

Je cours jusqu’au bout de l’immense stade principal afin de prendre une panoramique. Quand je reviens, tout le car est descendu pour prendre des photos. Merci qui ? Quelques petites minutes et on repart pour de bon.

Avant de rejoindre l’autoroute, nous avons droit à un petit tour en car au milieu des autres infrastructures : piscine olympique, logements des athlètes, halls divers, aménagements urbains…Nous laissons derrière nous Parramatta, banlieue occidentale assez peu reluisante en apparence puis nous traversons un pont qui joint les deux rives de la baie, bien plus petit que Harbour. Nous nous perdons dans un labyrinthe routier qui nous mène dans la banlieue Sud, près de l’aéroport.

Le car se transforme alors en navette. Nous sommes dans les derniers à descendre, éreintés par ce périple.

Nous retrouvons notre chambre et sa vue. Une douche, des fringues propres et nous voilà partis à l’assaut des restaurants. Ce soir, on veut s’en faire un beau pour couronner notre séjour à Sydney.

On reste dans le quartier car on est fatigués et c’est sans doute le plus vivant. On se décide pour un restaurant italien assez classe. Je paie l’apéro : bière locale pour moi (la fameuse Toohey’s new) et jus de fruit pour Domi. La bière n’est pas top, insipide et trop gazeuse.

Le resto a une ambiance tamisée assez agréable, un décor plutôt branché et du personnel efficace. D’après ce que nous racontent les guides touristiques, c’est cette ambiance qui prédomine dans le Sydney by night.

Cool, branchée, avant-gardiste, gay, sophistiquée, la nuit est très vivante, ici. D’une manière générale, la recherche du luxe, du calme et du surf semble animer les sydneysiders…La musique est douce, ça nous repose après une journée aussi passionnante au grand air.

Le repas fut excellent, notamment les fettucine de Domi et mon verre de vin australien, le premier depuis que nous y sommes. Assommés, nous allons ensuite nous coucher directement.

Demain, on prend à nouveau l’avion pour notre deuxième étape : le Centre Rouge.

 

 

Dimanche 11

 

Une fois de plus, nous devons nous lever tôt.

Il s’agit de ne pas rater l’avion, qui décolle à 9h30. Nous faisons un brin de toilette, puis rangeons nos affaires, préparons notre sac à dos dans lequel il faut prévoir les billets, les passeports, les chèques de voyage, la crème solaire, les appareils photos suffisamment approvisionnés en pellicule, etc.

Un dernier regard par la baie vitrée de notre chambre et nous descendons au guichet d’accueil de l’hôtel pour les formalités de départ, notamment la récupération des 100 dollars australiens de caution au cas où nous aurions consommé dans le bar. Nous n’avons pas le temps de prendre le petit déjeuner, nous verrons ça à l’aéroport.

Il fait bon, ce matin, on tient en T-shirt sans problème, comme un mois de juin chez nous…

Après quelques minutes d’attente devant notre Holliday Inn de Potts Point, le shuttle jaune arrive. D’autres touristes nous rejoignent et nous partons pour la tournée des hôtels. On se paye donc une dernière balade dans Sydney et ses villas superbes.

Le petit matin est un moment privilégié de calme. Les lueurs naissantes du soleil enveloppent les eaux tranquilles de la baie que l’on aperçoit derrière les rangées d’eucalyptus et de villas.

Le chauffeur de bus, amusé par nos échanges en français, nous demande si on a bien profité de nos Sydney Pass. Je lui réponds "you couldn't use it more ! " (vous ne pourriez l'utiliser plus), et il se marre.

La journée ne faisant que démarrer, la navette roule rapidement. Parfois, des touristes chargés de bagages montent. Nous ne sommes pas les seuls à prendre l’avion ! Bientôt, nous atteignons l’aéroport. On descend au terminal "domestic".

Le hall est déjà bien plein, et le temps commence à presser. Après quelques péripéties, on trouve le bon comptoir d’enregistrement. Les formalités sont allégées puisque le vol est intérieur. Les mains libres, nous allons enfin nous restaurer. On trouve un stand rempli de monde où on commande un petit déjeuner style Mc Do. Un peu stressés, on avale notre café insipide et jus d’orange en boîte rapidement. Puis, on rejoint notre lieu d’embarquement. On aurait mieux fait de prendre notre temps, puisqu’il y a de l’attente...

Assis sur un banc de velours, nous observons les nombreux autres touristes, parmi lesquels figurent nombre de Français et surtout des familles. Tout de même, ça doit leur coûter bonbon !  On a l’impression que le flot d’arrivants ne va jamais cesser !

Enfin l’heure d’embarquer arrive. Nous faisons la queue pour poinçonner nos billets et entrer dans l’appareil. Nous sommes installés côte à côte, près d’un hublot.  On attend que tout le monde prenne place en discutant et en rigolant. C’est chouette, les vacances ! A l’heure prévue, notre Boeing se met à rouler doucement vers la piste qui lui a été attribuée.

On roule un bon moment tandis que les hôtesses nous font les recommandations d’usage en cas d’accident. Ce qui est un peu inquiétant, c’est que plus on prend l’avion, plus on redoute ce fameux accident qu’on nous promet avant chaque décollage ! A force, ça finira par arriver...

L’avion s’immobilise à nouveau puis entame sa course vers les cieux. Une violente poussée nous plaque dans nos fauteuils tandis que les imperfections du tarmac impriment des secousses à l’appareil. On dirait que les tôles vont se détacher ! Et puis non, on ne sent plus rien au moment même où on croyait que l’avion allait finir sa course dans un mur ou dans la mer…

Deux claquements signalent que les trains d’atterrissage regagnent leur tanière et l’oiseau de métal peut entamer son vol sans contrainte. Nous avons la chance d’embrasser toute la baie depuis notre hublot. C’est magnifique !

Le soleil est déjà haut et les routes grouillent de leurs microscopiques automobiles. La mer s’infiltre dans les moindres recoins de cette ville d’un autre monde, le monde Moderne…

L’ascension nous offre un angle de vue de plus en plus vaste et nous admirons bientôt l’immense océan Pacifique puis à nouveau la terre, car le pilote effectue un virage en destination d’Ayers Rock. Rapidement, Domi s’endort. Je lis en m’endors à mon tour, bercé par la poussée des réacteurs.

Le tintement des gamelles nous réveille. Les hôtesses servent le petit déjeuner. Ça ne fera que le deuxième pour nous ! On reprend donc un café, accompagné de petits toasts, jus d’orange et biscuits à la noix de coco. Il y a même des sausages-beans, comme à Londres.

Et puis nous attendons d’arriver en observant tranquillement le paysage, à 10 bornes d’altitude. Nous sommes au-dessus des immenses plaines désertiques du bush. Pas un nuage, pas une habitation, rien que de la terre rouge avec des arbustes clairsemés.

Parfois, un fil rectiligne à l’infini : une route. Et puis de loin en loin, une fumée qui monte. Apparemment, ce seraient des incendies. Volontaires pour l'agriculture ? On ose l’espérer, car ils sont plutôt nombreux…

Quelques mots dans le micro nous indiquent que l’atterrissage est imminent. On déchante un peu quand on nous annonce la température au sol : 21°C ! On se rassure en disant que ça monte toute la journée et que ça descend très bas la nuit, mais on n'en est pas complètement convaincus...

Les paysages sont maintenant très distincts, signe que notre altitude est faible.

Rien que là, c’est impressionnant : on croirait l’Afrique australe. Des milliers de petits arbres secs sont parsemés sur une savane rouge vif chevelue de blanc.

Encore quelques minutes et nous les sillonnons horizontalement juste avant de sentir le choc des roues sur le sol. Encore un atterrissage réussi !

A la sortie de l’avion, un petit vent frais nous confirme que nous avons été optimistes : nous qui croyions que le fait d’être en plein désert sous le tropique du Capricorne était un gage de chaleur étouffante, même en plein hiver ! Ben non…

Un peu amers, nous gagnons le petit aéroport d’Ayers Rock. C’est là qu’un mini bus doit venir nous récupérer pour une virée de trois jours dans le bush. En effet, nous rejoignons un groupe de touristes parti d’Alice Springs tôt le matin. Cette combine a été montée par notre agence de voyage à cause de l’absence de place sur le vol Sydney - Alice Springs. L’avantage est qu’on y gagne en temps et surtout en trajet.

En attendant, personne n’est là pour nous accueillir. Alors on patiente, un peu inquiets et dégoûtés par les températures…J’essaie de consoler Domi en lui faisant remarquer qu’il vaut mieux ne pas crever de chaud, mais ça ne lui redonne pas le sourire...

Je déambule dans ce lieu insolite : c’est un petit aérogare pas très moderne, pas climatisé mais bien équipé. Autour, quelques routes partent vers nulle part. Un petit parking et le reste, c’est le grand désert.

Les affiches publicitaires des guichets de location de voitures ou de tour operator contrastent avec la nature sauvage omniprésente. Ils sont forts, tout de même, ces Australiens ! Ils arrivent à créer du business en costume cravate dans un endroit si inhospitalier que même les animaux ont déserté !

Après un long moment passé à me demander si on ne nous a pas oubliés, un mini-bus muni d’une remorque arrive sur le parking. Espoir ? Sur la remorque, de gros morceaux de bois sont arrimés, comme les vrais aventuriers… "Oh, la honte !" s’écrie Domi. Je ricane en répondant que ça ne peut être que pour nous…

Un type dans la cinquantaine, les yeux bleus et le regard de JR Ewing se dirige à notre rencontre. Il demande le nom de notre tour operator. Je lui indique le nom qui figure sur nos vouchers. Il détourne le regard en s’excusant : ce n’est pas lui. Mais quand même, quelque chose me dit que ça doit être ça. J’insiste en lui montrant le voucher. Il jette un œil et retrouve le nom correct, dans un coin en bas du papier. C’est donc bien ça ! Heureusement que j’ai insisté...

On monte nos bagages dans la remorque qui en est déjà bien remplie, puis on grimpe dans le bus en disant hello à l’assistance avec un large sourire. C'est pas top de se taper l’incruste dans un groupe déjà constitué! Les réponses sont cependant plutôt chaleureuses.

Et nous voilà partis à la découverte du fameux bush australien…

Dans le bus, il fait chaud puisqu’il n’y a pas de climatisation. Étonnés, nous découvrons de près les paysages vus par le hublot. Rien de ce que nous avons vu jusqu’à présent n’y ressemble : notre route coupe en deux l’infini du désert.

A gauche, des arbustes d’un genre inconnu pour nous : tronc noir rabougri et épines molles bleuâtres, avec des touffes blanchâtres par endroit. Le chauffeur, qui se prénomme Tom, nous indique qu’ils reprennent vie après un feu de brousse. A droite, exactement les mêmes arbres, qui tirent leurs ressources on ne sait d’où puisque tout est sec et rouge. Le relief est très monotone, puisqu’exlusivement plat. Ce continent est en fait le plus vieux du monde, géologiquement parlant.

Depuis l’ère primaire, aucun événement majeur n’est venu bouleverser sa lente érosion. Résultat : un relief plat et très peu de montagnes pour l'égayer un peu. Il n’y a que dans le sud-est que certains sommets dépassent les 2.000 mètres, ce qui reste modeste. L’altitude moyenne est de 300 mètres tandis que le reste du monde domine les eaux d’une altitude moyenne de 700 mètres. Nous effectuons un voyage dans le temps autant que dans l’espace, en somme…

Nous arrivons bientôt à notre campement, situé à quelque 50 kilomètres de l’aéroport. Nous sommes dans le parc aborigène d’Uluru, en principe interdit aux non aborigènes.

On nous distribue des cartons qui prouvent que nous avons acquitté le droit de pénétrer et de visiter cette terre. Il est vrai que nous avons changé de zone administrative. Nous sommes désormais dans le Territoire du Nord, qui dispose d’un statut particulier. Ce n’est pas un État et il appartient principalement aux Aborigènes.

Depuis les années 1980, ces peuples ont entamé des procédures judiciaires en vue de se voir rétrocéder leurs terres ancestrales sacrées. Il faut imaginer l’effort d’adaptation dont ils ont su faire preuve, eux qui ignoraient les notions de propriété, de combat juridique et d’intérêts économiques. Après de longues batailles au cours desquelles ils ont su garder leur imperturbable calme, les Abos ont obtenu gain de cause sur de nombreux points, grâce à l’effet combiné de la pression internationale et de la politique d’ouverture lancée par Robert Hawke, le Premier Ministre d’alors. Cet homme a su faire de ce beau pays un creuset démocratique. Depuis, ce membre du Commonwealth qu’est l’Australie a pris des initiatives en faveur des peuples colonisés. Ainsi, les Aborigènes ont reçu la propriété de nombreux territoires que certains pourraient qualifier de réserves.

C’est exagéré dans la mesure où les Abos peuvent y circuler, en entrer et en sortir librement. Pour se dédouaner de laisser ces gens à l’abandon, le gouvernement leur verse des allocations contre la précarité. Mais comme ils ignorent pour la plupart la notion de travail et de gestion d’un budget, ils claquent tout dans l’alcool.

Le bus garé devant notre campement, nous transférons nos bagages sous nos toiles de tentes. Ensuite, rassemblement pour un briefing sur la vie du camp.

On nous explique les règles du jeu : on fait tous la vaisselle, le couvert, le ménage dans les tentes, la corvée de bois. L’hygiène est la règle absolue : lavage systématique des mains, douches le soir, etc. Les autres du groupes semblent moyennement apprécier l’ambiance de camp scout ! Surtout qu’il y a beaucoup de Français…

Parmi eux, il y a trois jeunes qui ont l'air sympas, deux moins jeunes qui semblent se la péter un peu, une famille un peu précieuse qui se croit ultra prioritaire pour tout parce qu’ils ont des gosses et puis le reste sont des Hollandais, des Allemands un peu hippies, etc.

On dresse donc la table dans le silence de ceux qui ne s’attendaient pas à ça. Notre guide s’en moque et continue à distribuer les rôles tout en montrant l’exemple. Ici, des assiettes à poser sur la table ; là, des légumes à laver ; là encore, des tabourets à distribuer, etc. Chacun s’exécute à peu près, excepté les branleurs et les trous du cul, comme de bien entendu…

Le repas fut frugal et silencieux, du genre pique-nique avec des inconnus. Pendant ce temps, le guide nous expose le timing de l’après-midi, comme si on était au boulot !

On se tape la vaisselle, puis le rangement avant de sauter dans le bus en direction de la Vallée des Vents, appelée Kata Tjuta en langue locale. Durant les 50 kilomètres de trajet, on nous donne des détails sur les légendes qui baignent ce site sacré. Ce qui est impressionnant, c’est qu’on le voit nettement devant nous malgré les 50 kilomètres qui nous en éloignent.

Je pense d’abord à une erreur : 15 kilomètres, je veux bien ; on doit confondre fifteen et fifty…Mais le petit car roule à 100 km/h sans relâche pendant une demi-heure et la route est toute droite comme partout ailleurs ici…C’est donc bien ça…Impressionnant !

A cause de l’accent pourri du guide, on ne saisit pas grand-chose de ce qu’il nous raconte sur les légendes, mais on s’en tape un peu, à vrai dire…

Un parking est aménagé devant le site. Nous sommes les seuls à nous y garer, à l’ombre d’un arbuste.

L’endroit est grandiose, singulier. Ce sont de gros affleurements de grès rouge, comme poussés de dessous la terre par des forces divines. Et ce sont les seules hauteurs à des centaines de kilomètres à la ronde ; on se demande ce qu’elles foutent là, d’ailleurs !

Notre petit groupe entame le sentier qui longe le site en son sein. C’est d’un calme ! On se couvre de crème solaire, on revêt nos lunettes noires, notre bob bleu et c’est parti…

Nous défilons parmi les blocs rocheux arrondis, dont chacun culmine à 150 mètres au-dessus du sol. Ça fait paysage d’une autre planète. Le sol rouge est parsemé de touffes jaunes et blanches. Par endroits, un arbre mort, un eucalyptus au tronc blanc ou un arbuste poilu.

Silencieusement, nous marchons sous le cagnard. On regrette presque la fraîcheur de l’aéroport ! Le guide contrôle les présences par étapes, à l’ombre. Manifestement, il se promène comme à la ville alors qu’on se tord les pieds dans les caillasses. Il nous donne de temps à autre des informations sur ce fabuleux endroit.

Pour les aborigènes, il est le repaire de tout une série d’esprits qui dirigent le monde. C’est vrai qu’on se prend à y croire, tant l’endroit est magique ! Parfois, il faut escalader des rochers. On ne s’attendait pas à ce que ce soit physique comme ça.

Après une longue côte et une bonne heure de marche, nous touchons notre but : la fameuse Vallée des Vents. C’est en fait un grand espace entre deux gigantesques blocs de grès qui donne une vue dégagée sur le bush. Loin, très loin, se dessine d’autres affleurements. On domine toutes les terres, à l’infini…C’est à couper le souffle !

Tom nous donne de longues explications sur les croyances aborigènes et le caractère de sanctuaire de cette Vallée. Il nous montre, dans notre dos, les traces d’une cascade qui devait couler ici il y a des millions d’années. Elle a creusé dans les parois des roches des cercles d’une géométrie et d’une harmonie digne d’extra-terrestres.

Bien sûr, les légendes sont nombreuses et originales : on nous raconte une histoire de serpent qui se serait transformé en on ne sait quoi…dommage que ce soit en anglais ! Ah, si La Pérouse était arrivé quelques jours avant Cook, on aurait tout compris...Encore que, si les Aussies s’étaient mis à parler comme les Québecois, il aurait fallu traduire quand même !

Nous restons quelques minutes à nous reposer au milieu de ce promontoire naturel, goûtant au maximum ce spectacle de la nature. Un petit souffle rafraîchit la transpiration qui perle dans nos vêtements.

A partir de cet endroit, le groupe se scinde en deux : les sportifs, qui terminent le tour complet et les autres, qui se contentent de rebrousser chemin. Conscients de nos limites, on se range dans la deuxième catégorie.

Et puis on rentre tranquillement au bus, tandis que la chaleur diminue. Parfois, une photo s’impose, dans les hautes herbes sèches ou près d’un eucalyptus…Dire que le matin même, nous étions en pleine ville près de la mer ! Cette première virée dans le bush nous a lessivés. Une fois tout le monde revenu, nous grimpons dans le bus, qui s’arrête peu de temps après.

En effet, un superbe panorama se dessine devant nous : Kata Tjuta dans toute sa majesté, au milieu de l’infinie terre rouge et blonde caressée par le soleil couchant…

Ce n’est pas fini, puisque Tom nous emmène voir le clou de la journée : le soleil couchant sur Ayer’s Rock, alias Uluru. On y arrive après une bonne demi-heure de route. Je crois comprendre que le meilleur moment pour prendre la photo est 6h20 PM.

Quand on arrive, c’est une véritable cohue ! Des cars en pagaille, avec des touristes dans tous les sens. Et ils sont tous à picoler du mousseux australien ! Nous, que dalle ! On a droit de se serrer la ceinture et c’est tout ! C’est ça, la vie du vrai bushman, sans doute...

Je cherche un endroit idéal pour prendre la photo du siècle. J’en prends deux, trois de format classique, mais je réserve une panoramique pour voir le rocher s’illuminer de rouge lorsque le soleil disparaîtra…

J’attends donc, debout sur un banc à côté d’un groupe d'Italiens très bruyants et à moitié fumés.

En fait, j’ai confondu l’heure du meilleur moment et l’heure où il n’y a plus rien à voir : à 6H20, Ayer’s disparaît dans la pénombre et les touristes commencent à rejoindre leurs cars…Quel idiot ! Dépité, j’en prends quand même une, qui ne passera pas au développement…

Quelques photos plus tard, nous rejoignons notre campement.

Le groupe veut s’arrêter acheter de la bière à l’espèce de saloon à l’entrée. On fait la queue un certain temps. C’est tout juste si on a le droit d’emporter de la bière en dehors du bar…Mais comme on dit qu’on vient de la part de Tom, le barman tique un peu, puis accepte du bout des lèvres. Il faut dire que les lois sont strictes à ce sujet dans le bush et que les jeunes un peu branleurs ont acheté un gros pack de VB qu’ils trimbalent fièrement. On se paie une petite binouze histoire d’évacuer toute cette poussière avalée dans la journée.

Sitôt arrivés, Tom nous donne des corvées : dresser la table, faire du feu, etc. Interdiction momentanée de faire une douche ou sa piaule tant que le repas n’est pas prêt. Chef, oui chef !

Il fait bientôt nuit, les étoiles sont très brillantes et pour la première fois, nous remarquons la fameuse Croix du Sud, qui guide tous les bergers de l’hémisphère austral.

Les blocs sanitaires sont vastes et moyennement propres car nous sommes les derniers de la journée à les emprunter. Après une rapide douche tiède dans la fraîcheur nocturne qui commence à se faire ressentir, nous regagnons nos chers copains de camping…

Ce qui devait être un sympathique repas où on partagerait joyeusement une binouze est en fait un repas calme, où chacun reste dans son coin, par petits clans : les branleurs, la famille française, les Hollandais, les Allemands, nous, etc. On a droit a un coup de pinard australien avec les grillades. Pas mauvais, ma foi.

Cherchant à dégeler l’atmosphère, Tom demande à chacun de se présenter et de dire ce qu’il attend du séjour dans le bush. Dans la froideur nocturne au coin du feu, chacun se présente donc et indique ses envies : voir des paysages mythiques, des animaux, faire du camping, de la brousse, escalader Ayer’s Rock, etc. Moi, j’indique que j’aimerais rencontrer des Aborigènes. Tom me fait comprendre que ce sera difficile car ce sont des gens très peu communicatifs, qui fuient nos sociétés occidentales et qui restent dans leurs vastes réserves, où les Blancs sont interdits de séjour. Je suis déçu, mais en même temps, je m’y attendais un peu…

Les jeunes enquillent bière sur bière et discutent avec un couple qui se donne du mal pour ressembler à des aventuriers. Bien sûr, au moment de faire la vaisselle, ils étaient très occupés à squatter autour du feu…

On se couche assez tôt, après un petit moment autour du feu sous les milliards d'étoiles.

 

Lundi 12

 

Dès l’aube, de légers coups frappent notre tente : " wake up ! ". C’est Tom, qui a mis sa menace de nous lever aux aurores à exécution. La veille, au cours du repas, en bon anglo-saxon, il nous a en effet indiqué le programme dans lequel il était question de se lever à 5h du matin pour être les premiers à Ayer’s Rock. Et on s’était endormis avec la conviction qu’il blaguait. Dur, dur, le réveil…

En plus, il faut galoper dans le froid pour se mettre en tenue et aller préparer le petit déjeuner. Comme à l'armée !

Inutile de préciser que le petit déjeuner a duré moins longtemps que la vaisselle et que nous avons sauté dans le bus alors qu’il faisait encore nuit…Chouettes, les vacances !

Une demi-heure après, nous nous garons sur le parking vide d’Ayers Rock, encore enveloppé de nuit. Loin, très loin, une lueur commence à poindre.

On descend après avoir reçu des instructions que nous recevons 2/5. Surtout, il ne faut pas photographier les sites sacrés des Aborigènes, signalés par des panneaux. OK, on saute du bus, à la découverte du monument naturel…Et nous sommes immédiatement saisis de froid !

Le Vent ! Notre ennemi du jour nous rappelle qu’août est un mois d’hiver, dans ces contrées reculées…On se couvre comme on peut car nous sommes innocemment venus avec des shorts et t-shirts ! On enfile un sweet et notre bob et on marche pour se réchauffer…Ah on a l’air fins, accoutrés de la sorte !

Si le climat n’est pas au rendez-vous, la beauté presque surnaturelle, voire surréaliste du lieu compense largement.

Et puis il est vrai que nous sommes arrivés à la bonne heure, puisque le lever du soleil peint successivement l’immense rocher de toutes les couleurs : d’abord noir, puis gris, puis bleuté, puis rouge, orange, jaune et enfin marron.

Nous garderons à vie le souvenir de cette matinée de marche à contourner ce symbole du continent, façonné par des millions d’années d’histoire géologique et imprégné de centaines de siècles de civilisation aborigène.

On nous raconte quelques légendes, de-ci, de-là. Une crevasse horizontale serait l’esprit d’un serpent qui discuterait avec l’esprit d’un kangourou (la crevasse à côté).  Parfois, une grotte recèle des dessins représentant des animaux locaux dont certains n’existent plus…

Tout en marchant, on discute et on prend des photos. Cette promenade a été un moment inoubliable. Nous étions comme bercés par la magie de cet endroit sacré…Il nous aura fallu deux heures et demie pour en faire le tour, tout de même !

On s’arrête bien volontiers au pied du bus, où nous avons le droit de piocher un fruit dans une boîte en bois : orange, pomme, oignon…

Lorsque tout le monde est de retour, Tom entame une petite visite guidée de l’endroit à notre portée. Nous tentons de suivre les explications sur les diverses légendes aborigènes dont les subtilités traduites en anglais nous échappent un peu, à vrai dire.

On fait quelques photos de grottes en forme de rouleaux de mer, puis on rentre, lentement. Les Sportifs qui voulaient escalader le rocher sont punis par le vent trop fort. Tant mieux, car les Aborigènes ne veulent pas qu’on escalade ce lieu spirituel et se reprochent les quelques morts qui ont lieu chaque année. Il faut dire que la pente est raide, puisqu’ils ont simplement mis un petit fil de fer le long d’un chemin qui monte directement au sommet (dans les 150 mètres au-dessus du sol). Il est donc interdit d’y grimper dès que le vent se manifeste. Et puis est-ce qu’on tolérerait que des Aborigènes escaladent Notre Dame pour leur petit plaisir personnel ? Cela dit, la vue doit être superbe, là-haut !

Notre périple nous amène dans un centre culturel aborigène, situé à quelques kilomètres de là. C’est un lieu calme, où des femmes aborigènes tissent, peignent, façonnent des objets d’art vendus à prix d’or.

Des panneaux, des diapositives, des poteries, des décors et des sons racontent l’histoire de la région et de ses tribus de bushmen. Les animaux, les plantes, les hommes sont finalement nombreux, pour ce qui nous apparaît comme un désert. Ça fait assez africain, comme ambiance, quand même…Un petit tour dans la boutique, où nous achetons quelques cartes postales, et nous attendons les retardataires.

Tom trépigne comme un golden boy à Wall Street ; son comportement contraste tellement avec la tranquillité et l’insouciance des femmes qui tissent juste à côté de lui !

Et on se retape les 50 bornes tandis que la chaleur commence à monter.

Une fois de plus, Tom est pressé ! C’est qu’il faut bouffer, puis remettre le camp en ordre et faire la route jusqu’à King’s Canyon, situé à quelque 500 kilomètres...

On mange léger, dans l’atmosphère habituelle quoiqu’un peu dégelée, puis c’est la vaisselle, le balai dans la tente, le rassemblement des draps, le chargement des bagages dans la remorque, le rangement de la salle à manger, etc.

Et c’est parti pour le grand voyage à travers le bush.

Lentement, nous traversons le camp, puis retrouvons la route d’Ayers et après quelques kilomètres, abordons l’épine dorsale du bush, la fameuse Stuart Highway, qui court sur 2.500 kilomètres du sud au nord de l’Australie. Cette route est aussi célèbre que monotone.

Tout l’après-midi, nous cuisons dans le bus sur une route droite, toujours droite. Le paysage est sans interruption le même : terre rouge, herbes blondes, arbustes verts ou secs. Souvent, au loin, un incendie. Ça n’arrête pas de cramer, dans le bush !

Pour se divertir un peu, nous avons le privilège d’emprunter une piste qui fait trembler le bus comme si on roulait sur de la tôle ondulée pendant quelques kilomètres. On s’arrête pour aller chercher du bois…Je me disais aussi !

Tom nous remet des gants à cause des échardes qui pourraient nous être fatales à cause des microbes qu’elles renferment contre lesquels nos organismes européens ne sont pas immunisés. C’est donc avec entrain que tout le monde s’y met, les femmes comme les hommes. Cet endroit perdu, toujours désert, devient d’un coup le théâtre de cris de joie, de rires, d’agitation. Rapidement, la remorque se trouve couverte de troncs et bûches bien secs.

On remonte, on traverse la tôle ondulée dans l’autre sens et on retrouve la Stuart. Un peu plus loin, à quelques dizaines de kilomètres, on fait un arrêt dans un troquet digne des films américains tournés dans le désert du Nevada. C’est simple : y’a la route, droite, et le troquet à côté. Et autour, le désert à perte de vue dans toutes les directions. On est des crottes de mouches, des atomes, dans cet immense espace ! L’endroit est propre et frais. On peut y acheter à manger, boire une bière ou regarder la télé. On achète quelques babioles et de l’eau. On ressort à l’ombre d’un eucalyptus. Domi me prend en photo sur le bord de la route.

De l’autre côté de cette route, on remarque des Aborigènes qui déambulent autour d’une voiture japonaise. Et un des jeunes tchatche avec eux. Y’a pas de raison, j’y vais aussi…En fait, ils vendent des morceaux de cuirs peinturlurés à leur façon. C’est joli, ça ferait un beau souvenir, mais l'un des petits vieux en demande un prix exorbitant. Et je devine à son regard qu’il n’est pas disposé à marchander, à moins que cette pratique lui soit inconnue (ce qui m’étonnerait). J’essaie de discuter, mais ça semble impossible. Son regard indifférent et lointain quoique brillant d’un noir sombre me dissuade d’envisager toute forme de discussion. Même si je me fais probablement un film, je n’insiste pas. Je refuse poliment son unique et dernière offre, puis retourne vers le groupe. On m’avait prévenu, que ce ne serait pas facile de communiquer avec les Abos !

Alors on redémarre, pour continuer l’interminable route qui va on ne sait même plus où…Le radio-cassette nous berce de musiques australiennes : INXS, Bee Gees, Eurytmics, Kylie Minogue et même de la country australienne ! On aura tout entendu. Tu lâches des Anglais dans la nature et tu retrouves des cow-boys…

Deux heures après, tandis que le soleil commence à décliner, Tom reprend son micro et nous parle de King’s Canyon. Il nous donne des dimensions, des termes géologiques, des noms de plantes, etc. Et puis nous arrivons enfin dans un complexe touristique où une nouvelle toile de tente nous attend. Chouette !

Avant de nous installer, nous avons le temps de faire un petit tour de chameau dans le désert. Les Branleurs et les Aventuriers, quant à eux, ont choisi une activité beaucoup plus adaptée à leur jeunesse de corps et d’esprit, à leur dynamisme et à leur insatiable goût du risque : le quad. Pollution sonore et environnementale garantie...

Mais je ne regrette vraiment pas cette splendide balade à dos de dromadaire qu’on s’est offert ce soir-là.

Ce qui nous a fait marrer, c’est l’organisation et la sécurité de la balade. On s’attendait à ce qu’on nous baisse le bestiau sur les pattes avant, qu’on l’escalade et qu’il se mette debout, à la tunisienne…Que nenni ! Ce serait sans compter le sens du confort et de la prévention du risque britanniques. On nous a alignés sur une plate-forme de bois pour être pile à la hauteur du dos du dromadaire, puis on nous a sanglés sur la selle qui y était posée et on nous a affublés d’un casque ! Puis notre guide, un vrai cow-boy à l’air sympathique, nous a baladés dans les environs tandis que la fraîcheur du soir s’abattait sur le bush.

Quel calme ! Seuls les oiseaux par milliers, perchés dans les eucalyptus, braillaient. On aurait dit des corbeaux mais avec un croassement bizarre, comme tordu sur la fin. On aurait dit qu’ils expiaient…

On voulait des grands espaces, on en a eu ! Une petite heure durant, notre caravane sillonne silencieusement la campagne australienne tandis que le spectacle du soir couchant nous était donné. Merveilleux de calme et d’exotisme ! Surtout après 500 bornes de route monotone…

Une fois à terre, tout en payant à l’aide de chèques de voyage, je discute un peu avec notre guide. Il me dit que ces bêtes sont originaires d’Afghanistan et les premières furent introduites au XIXème pour découvrir le bush. En effet, puisqu’il n’y avait pas encore de route ni de rail, comment faire autrement pour arpenter des zones aussi inhospitalières ? C’est par ce moyen de transport que les Anglais découvrirent Ayers Rock ou Kata Tjuta.

D’ailleurs, l’histoire commune de l’Australie et de l’Afghanistan ne s’arrête pas là, puisque ce sont des travailleurs immigrés afghans qui ont construit par la suite le chemin de fer qui part d’Alice Springs vers des mines plus au Sud. C’est pour cette raison que ce train porte le nom de Ghan.

Heureux, nous regagnons paisiblement notre turne de toile. C’est plus petit qu’Ayers, ici, moins industriel du point de vue touristique. Il est vrai qu’on en est assez loin. On ne sait même plus où on est, tellement les dimensions de ce pays sont énormes. Je consulte la carte du Lonely Planet : nous sommes à l’extrême sud-ouest du Northern Territory, à une centaine de kilomètres de l’Australie Méridionale et de l’Australie Occidentale. Paumés, quoi !

Le petit groupe de branleurs arrive bientôt, ravis de leur promenade en quad dans le bush. Le train-train de la bouffe se prépare : Tom fait du feu dans un demi tonneau en ferraille avec les bûches que nous avons ramassées près de la piste, cet après-midi.

Pendant ce temps, nous allons à la douche, bienvenue après cette longue journée. Le bloc sanitaire est correct, sans plus. Il faut patienter un peu, car tout le monde à la même idée en même temps. Quelques dizaines de minutes plus tard, la nuit tombe tandis que nous aménageons notre tente pour la nuit.

On a compris qu'en hiver Tropique du Capricorne rime avec froidure, alors on enduit nos lits de camp de couvertures et on met sur le dessus des valises une pile électrique, nos sweats et des chaussettes de secours. Et on rejoint notre très agréable groupe de copains.

Avant, il faut finir de préparer le repas. Nous jetons donc assiettes, couverts, serviettes et moutarde sur la table puis allons rejoindre les autres autour du feu, estimant impoli de nous octroyer leur part de travail.

Tom nous a sorti le grand jeu : deux grosses marmites en fonte mijotent sur les flammes. Ça sent bon !

Pendant les derniers préparatifs, Tom nous raconte un peu sa vie. Il vient de Melbourne et a fait de nombreux métiers : serveur, palefrenier sur les champs de course, puis cow-boy. C’est cette voie qui le passionne. Il a même remporté des concours de calf-roping, comme dans le Far West. Il est également champion de rodéo. Cette dure vie dans les terres arides du bush l’a naturellement conduit vers le business du tourisme, plus lucratif et moins risqué. Il s’est donc installé à Alice Springs et amène les touristes dans les différents sites aborigènes. Quelques jours dans le bush, puis quelques jours à Alice pour retrouver ses potes dans les pubs, c’est Crocodile Dundee sans les crocos.

Une fois les plats prêts, Tom les installe sur une table et nous demande de faire une file indienne pour nous servir. Les jeunes branleurs qui s’abreuvaient de bière en attendant que les autres fassent le boulot pour eux se retrouvent soudainement au premier rang ! Belle mentalité…La honte d’être Français ! Aucun des Hollandais, Allemands ni Espagnols ne se comportent de la sorte…

Ce que Tom a préparé était original et très bon. Dans la première marmite, du poulet aux pêches et aux herbes et dans le deuxième, une sorte de bœuf en piperade. Pour la première fois depuis que nous sommes dans ce pays, on mange correctement !

Nous nous installons à côté des Hollandais. La cinquantaine, ils sont très sympas. On discute sur nos pays respectifs. Elle parle un peu français et nous dit adorer Paris. Lui est plus réservé mais sourit facilement. On se tape quelques verres de picrate rosé et rouge d’Australie méridionale. Il ressemble à du vin de table, mais est puissant et coloré. Le gros rouge plein de soleil d’antant ! Ça fait du bien, de discuter avec des gens sensés et polis…

Au moment de l’incontournable vaisselle, nous restons près du feu. Chacun son tour ! Il fait bon, près de ce feu sous les étoiles. C’est calme…

Une fois l’agitation terminée, tout le groupe se trouve assis en cercle autour du foyer. Tom sort de son bus un didgeridoo. "How’bout some didge ? " lance-t-il. Et il se lance dans une démonstration. Il en sort quelques sons plutôt malhabiles, puis le tend à son voisin de droite. Et merde ! Je suis son troisième voisin…Moi qui ai horreur de ce genre de truc ! En plus, tout le monde crache dans le bout de bois !

Le deuxième se démerde pas mal. Il a droit à des applaudissements. Tom marque son étonnement, lui qui essaye depuis des années. Le branleur explique qu’il en a déjà fait, la première fois qu’il est venu en Australie. Petit fimeur, va !

Le suivant se démerde comme un pied et crache bien dedans. D’ailleurs, quand c’est mon tour, je prends un air écœuré et passe à Domi, qui fait immédiatement de même. Ça en fait rire quelques-uns…Et puis ça continue.

Bien sûr, Monsieur l'Aventurier s’escrime à vouloir en sortir des sons. D'autant que d’autres y arrivent et pas lui. Le comble, c’est que sa nana, qu’il traite comme une merde, se fout de lui devant tout le monde ! Alors il essaye jusqu’à devenir lourd, voulant nous impressionner coûte que coûte…Pauvre mec ! Tout le monde se marre franchement de lui.

Puis, fatigués, on dit bonsoir à tout le monde et on regagne notre tente. En effet, le programme annoncé par Tom commence à 5h30, pour qu’on soit les premiers sur place et pour jouir du spectacle du sunrise. On s’engonce dans notre duvet froid et on s’endort sans demander notre reste. Quelle journée ! Grandiose !

 

 

Mardi 13

 

Hébétés, on sort péniblement de notre chaud duvet alors qu'il fait encore nuit. Y'en a marre…C'est pas des vacances ! En se les gelant, on s'habille, recroquevillés sous la tente, la petite lampe éclairant ce qu'elle peut, c'est à dire pas grand-chose. Soit elle illumine le plafond, soit elle roule et se retourne sur elle-même, nous replongeant dans l'obscurité.

Encore abrutis, avec un léger mal de crâne, on se traîne vers les sanitaires, déjà encombrés…Mais à quelle heure ils se lèvent, tous ces cons ? Une douche relèverait de l'exploit, dans ce froid, alors je me fraie plutôt une place pour me raser à la lame et à la mousse…

Ensuite, ce sont les corvées habituelles qui nous attendent : mettre la table et préparer le petit-déjeuner. On arrive quand c'est presque fini, comme si on avait fait la grasse mat ! On s'installe à nouveau à la table du couple de Hollandais et tout en avalant notre café insipide et nos tartines au beurre de Nouvelle Zélande, on discute un peu avec eux. Nos voix sont encore éraillées de sommeil.

Après la vaisselle et le rangement auxquels nous avons bien participé cette fois-ci, nous grimpons dans le minibus. Les toutes premières lueurs chatouillent le bush.

Nous en sortons après quelques petits kilomètres, sur un parking taillé pour des dizaines de cars. Tom nous regroupe et nous fournit des indications sur la teneur de la matinée. Nous sommes dans un haut lieu du bush australien, connu mondialement pour sa beauté : Kings Canyon.

Le chemin sera long et escarpé, aussi il est important de rester groupés. A cet effet, des pauses seront régulièrement aménagées.

Et c'est parti : tandis que l'aube dessine ses fusains rosâtres, nous gagnons des collines caillouteuses. Heureusement qu'il fait frais, car cette marche nous fait du sport. De temps à autres, je prends une photo de ces magnifiques paysages dignes du Colorado.

Comme promis, Tom s'arrête de temps à autres pour rassembler tout le monde. Pour nous protéger du froid, nous n'avons que nos sweatshirts et nos bobs, comme la veille ! Nos chaussures sont de simple tennis pas adaptées. Les autres, notamment les frimeurs, ont la totale : veste coupe-vent, lunettes de montagne, pantalons adaptables en shorts, chaussures de montagne et bien sûr pull chaud et léger…On les a bien prévenus, eux au moins ! C'est pas comme notre agent de voyage, plus expérimentée en Canaries qu'en Australie…

Les jambes endurcies par les précédentes journées de marche, nous cheminons en silence, à la queue leu-leu. Tom profite des pauses pour nous expliquer les lieux. Ici, il y a plusieurs millions d'années, le climat était chaud, humide et montagneux. Des palmiers préhistoriques envahissaient l'espace. Et il nous désigne, dans un coin, un palmier rabougri, complètement incongru dans ce paysage de Far West. Il nous indique que certaines espèces ont traversé les âges et les changements climatiques jusqu'à nous. Le plus étonnant, en fait, c'est que le palmier qu'on a devant nous est une espèce génétique unique au monde, ayant peu de rapport avec les palmiers qu'on rencontre sur les autres continents. Du coup, nous regardons le paisible végétal avec une admiration qui l'aurait fait rougir s'il avait pu !

Un peu plus loin, nous avons des explications d'ordre géologique pour mieux comprendre la morphologie des lieux. Malheureusement, une fois de plus, nous avons du mal à comprendre l'anglais façon "aussie". Je prends donc une panoramique, comme ça on n'aura pas tout perdu…

Les sentiers sont de plus en plus tortueux. Tandis que le soleil commence à dissiper la fraîcheur matinale, nous arrivons près du fameux canyon.

On doit se plaquer au sol par mesure de sécurité. On comprend mieux quand on arrive au bord : nous sommes allongés sur le sommet d'un immense ravin de plusieurs centaines de mètres de profondeur.

C'est hallucinant ! Nous n'avions jamais eu l'occasion de voir un canyon.

C'est une gigantesque brèche béante dans le sol, creusée par le passage de rivières pendant des millions d'années. D'ailleurs, il y a bien longtemps qu'il n'y a plus de rivière ! Impressionnés, nous restons là quelques minutes, à contempler le spectacle. En face, sur l'autre extrémité du canyon, un autre groupe de touristes semble minuscule.

Le fort vent et les conseils de Tom nous incitent à regagner l'arrière et à reprendre notre périple.

En fait, notre marche consistera ensuite à contourner le canyon pour regagner un grand escalier de bois qui descend jusqu'au fond. Ça prend pas mal de temps à cause de l'escarpement du sentier.

Arrivés devant l'escalier, on doit attendre que le groupe de touristes qu'on avait vus tout à l'heure ait fini de monter. Et puis ça nous repose !

Ils en mettent un temps ! Au moins une demi-heure pour qu'ils nous laissent enfin la voie libre…Ils feraient mieux de conserver leur souffle, au lieu de brailler dans ce lieu de tranquillité ! En plus, pas un mot poli quand ils nous croisent...

On descend donc cet immense escalier de bois en colimaçon. Les marches sont hautes, nos jambes sont fatiguées et le vertige n'est pas loin…On prend donc notre temps. On longe ensuite des passerelles du même bois pour atteindre le fond du canyon.

Là, il y a des arbres verdoyants, de l'eau et même des canards qui barbotent dedans, comme au Bois de Vincennes !!! C'est surréaliste. L'endroit est splendide de naturel et de fraîcheur.

Tom nous indique que le lieu est très fréquenté par des hordes de kangourous qui viennent s'abreuver. Malheureusement, ils doivent faire dodo, à cette heure, les petits veinards !

Nous partons ensuite à la découverte de ce lieu magique en longeant les bords de cette eau rare. C'est un peu casse-gueule, mais les quelques décamètres d'escalade valent leur pesant d'émotion : nous sommes perchés tout en haut du fond du canyon, à plusieurs centaines de mètres au-dessus du vide.

Ce que nous prenions pour le fond n'était qu'une source haut-perchée !

On s'assied quelques instants, au bord du panorama, à savourer…

On dirait que l'échelle des choses à brutalement changé, ou que nous avons été rétrécis…

Quelques photos et nous sommes déjà de retour vers l'escalier. Au passage, un des jeunes a la mauvaise idée d'aller gratter une paroi rocheuse, à la recherche d'on ne sait quoi…Il se fait rapidement et sèchement rappeler à l'ordre par Tom. L'écologie n'est pas qu'une théorie, ici !

Arrivés en haut, on reprend en sens inverse le chemin qui nous y a menés. Le moral commence à baisser légèrement. On retourne pas mal en arrière, en silence, tous un peu abattus. Puis, à une bifurcation, on rattrape une nouvelle piste, qui nous conduit plus loin que le canyon. Et on marche, et on marche…Ca n'en finira donc jamais !

En plus, ça grimpe de plus en plus. Heureusement, nous avons droit à une pause, à l'ombre d'un gros rocher vertical. Tom a la bonne idée de mettre à disposition un cake, qui a l'air excellent.

Bien sûr, comme on arrive dans les derniers, on sauve de justesse les deux dernières tranches. Les autres tranches se sont envolées en quelques secondes dans les mains partageuses des branleurs et de la famille française…Mais quelle honte ! Les Allemands et les Hollandais ont l'air offusqués mais ne disent trop rien. Ambiance "les randonneurs"…

Après quelques minutes de repos, nous voilà repartis vers le finish qu'on espère rapide. Au moins, le parcours est plus plat et on avance plus tranquillement. Le soleil est maintenant haut dans le ciel d'un bleu pur, cela doit faire deux ou trois heures qu'on crapahute de la sorte.

Nous longeons un sentier sur un plateau jusqu'à ce qu'un immense ravin se présente à notre gauche. Nous sommes en face de l'endroit où nous nous sommes allongés. Il paraît loin ! Les fatigués s'arrêtent et les autres partent escalader, dont moi. Un peu poussé par un vent violent qui sévit soudain, j'escalade les rochers. Je prends quelques clichés de la splendide vue qui s'offre à moi. J'ai l'immensité du désert à moi tout seul.

C'est caillouteux, c'est sec, mais c'est beau. Bien que plate dans son ensemble, la région ne manque pas de relief localement. Ici, on est en plein accident géologique !

Je retrouve Tom et Domi en train de discuter. Je me joins à leur conversation, qui tourne autour du thème "Paris". Tom nous dit n'y être jamais allé, mais qu'il aimerait. Cependant, il est allé en Europe, notamment à Londres. Apparemment, nombreux sont les Australiens à s'être rendus en Europe au moins une fois.

On poursuit cet agréable moment en attendant que les autres reviennent de leur exploration. Puis, l'interminable marche reprend son cours.

Nous traversons des paysages magnifiques : quelques eucalyptus dont le tronc est d'un blanc éclatant et les feuilles fines d'un vert discret tranchent nettement sur le fond rougeâtre des cailloux. Je mitraille.

Puis, c'est la phase finale qui débute : la longue descente difficile et glissante vers notre point de départ. On a l'impression que plus on descend, plus le parking s'éloigne !

Par moments, éreintés, on s'octroie une brève pause. Le mouvement perpétuel de touristes qui nous rattrapent nous pousse à reprendre. C'est là qu'on réalise qu'on a bien fait de venir très tôt, car ça devient un vrai boulevard, ici !

Et puis bon an, mal an, on finit par atteindre la base de l'immense colline que nous avons descendue depuis tout ce temps. Mon Dieu ! Quelle marche ! On rêve tout haut à nos futures plages sur la Grande Barrière…Ah qu'est-ce qu'on sera bien, allongés dans le sable, sous les cocotiers, les pieds dans le Pacifique...

Pour l'instant, on retrouve notre minibus et le cageot de pommes, oranges et oignons pour les cochons. Ça casse le rêve ! On avale plein d'eau et une orange tout en discutant avec les deux Espagnols.

Ils sont plutôt sympas, surtout du fait que Domi parle espagnol. Ils viennent de Barcelone et nous avouent en avoir bien chié ce matin. Le moment de repartir interrompt ces quelques échanges. Notre cher véhicule nous dépose devant nos tentes.

Comme toujours, c'est l'heure des corvées. Couvert, feu, cuisine, tout le monde ou presque s'y met, même les Espagnols ! Je suis mis à contribution pour une tâche spécialisée compte tenu de ma nationalité : faire une vinaigrette. On reconnaît bien là le pragmatisme anglo-saxon qui sait utiliser les compétences de chacun...

Désigné Roi de la Vinaigrette et flatté d'être investi d'une telle responsabilité, je rassemble les ingrédients avec l'air pointilleux du grand chef à l'œuvre…La réputation de toute le gastronomie française est en jeu ! Ils vont en parler longtemps, de ma vinaigrette, ces Anglais du Sud ! Mais mon élan est vite brisé à cause de la très médiocre qualité des ingrédients que je parviens à rassembler. Rien à dire sur le sel ou le poivre, quoiqu'ils doivent provenir du Leader Price local. La moutarde, c'est une autre affaire ! C'est une sorte de pâte jaunâtre tirant sur le verdâtre qui pue la Savora, moutarde pour les gosses…Le vinaigre, quant à lui, ressemble plus à un flacon d'acide blanc. Quant à l'huile, je l'ai longtemps cherchée avant de comprendre que le flacon pisseux blanchâtre devant mon nez la contenait…J'ai bien failli renoncer, estimant ne pas disposer des moyens nécessaires à l'accomplissement de ma mission.

Et puis je me suis ravisé en me souvenant que les Angliches n'ont pas de palais. Je procède donc comme à l'accoutumée, tandis que Domi donne un coup de main pour dresser la table. D'abord la moutarde. Il en faut pas mal, vu le nombre qu'on est. Je vide les trois quarts du petit pot. On dirait pas de la moutarde, plutôt une confiture ratée…Là-dessus, j'ajoute l'espèce d'acide, pas mal de sel et de poivre et fait couler l'huile tout en mélangeant le reste.

Malgré mes efforts pour parvenir à un résultat acceptable, je n'obtiens qu'une mixture de couleur suspecte et d'odeur bizarre. Son huile, c'est de l'eucalyptus ou du mélaleuca ? D'ailleurs, Tom regarde ça avec un air de regret de m'avoir demandé de le faire. En plus, il n'y a pas moyen de rattraper la sauce puisque les flacons d'ingrédients sont presque vides…Je le vois penser "Ah, ces Froggies !!!"

A table, on retrouve nos Hollandais et on mange tous ensemble des crudités et des grillades, joyeusement. En effet, tout le monde est content que ça se termine, je pense ! Même si c'était une expérience intéressante, elle aura tout de même demandé pas mal d'efforts qu'on n'avait pas forcément prévus pour les vacances.

Et puis ma vinaigrette passe comme une fleur, personne ne fait d'inanition…D'ailleurs, Tom me lance un compliment, au moment de la vaisselle. Il nous dit que la vinaigrette était "very good", ce qui veut dire "mangeable" dans la bouche d'un anglo-saxon bien éduqué. Oh ! Non pas qu'ils aient un jugement qui reflète leur niveau d'exigence, mais plutôt un jugement binaire : la bouffe est classée en deux catégories, le mangeable et l'exportable. Un vieux dicton américain dit d'ailleurs "all Americans can't eat, they can it" (tout ce que les Américains ne peuvent manger, ils en font des conserves).

Bien sûr, il reste à nettoyer les tentes, plier et rassembler les couchages, caser les bagages dans la remorque et prendre nos places habituelles dans la car. Seulement alors, nous mettons les gaz pour notre prochaine étape qui marquera notre retour à la civilisation : Alice Springs.

Il fait chaud, maintenant, dommage qu'on s'enferme dans le minibus. La route commence par celle qu'on a déjà faite depuis la Stuart Highway, pendant quelques dizaines de kilomètres.

Un grand carrefour nous indique que nous nous embranchons sur cette longue, très longue autoroute. On prend à gauche, puis c'est toujours tout droit, pendant 500 kilomètres.

J'observe le paysage, mais nous en avons largement fait le tour depuis ces trois jours de brousse : des plaines rouges à l'infini, peuplées de broussailles jaunes et d'arbustes. De loin en loin, un incendie. Et puis le car nous berce, à vitesse constante sur cette ligne droite interminable. Je glisse lentement vers le sommeil, comme les autres…

Le ralentissement du car nous éveille, on ne sait combien de temps après.

Tout ce qu'on remarque, c'est que le soleil entame son précoce déclin hivernal. Tom fait une escale dans un boui-boui qui fait station essence, drugstore, épicerie, bar, téléphone, etc. L'unique centre de vie à des centaines de kilomètres à la ronde. A côté, une petite basse cour qui doit servir de garde-manger vivant.

Après le soulagement rituel, nous marchons un peu dans les alentours. C'est très calme, il y a des palmiers et des jets d'eau pour les arroser. C'est très relaxant, après des heures de route inintéressante dans la chaleur.

Un "road train" passe devant la station, à vive allure : c'est un gros camion avec une, deux et trois remorques…Impressionnant !

On repart lorsque tout le monde est de retour. Tom nous envoie ses musiques australiennes habituelles. Éveillés, on assiste chacun de notre côté au défilé du paysage. C'est toujours le même, ça n'évolue pas...

Je remarque un panneau routier comme j'en avais jamais vus : il indique que nous ne sommes plus qu'à 157 kilomètres d'Alice Springs, mais que nous sommes à 1.659 bornes de Darwin ! Les indications kilométriques à quatre chiffres, ça n'existe pas chez nous.

A mesure que nous approchons d'Alice, la circulation se densifie : on voit désormais un véhicule toutes les dix minutes. Tom prend le micro et se lance dans des explications sur la ville, son histoire et son environnement. Il évoque la découverte à dromadaires, la station télégraphique, puis le Ghan, la Stuart Highway et le récent développement du tourisme, qui a multiplié par vingt la population en dix ans.

On sent que l'on approche, car les Macdonnell Ranges qui surplombent la ville sont en vue.

Les camions et autos sont maintenant foisonnants. On croise même un road train à cinq remorques. Tom nous explique la façon dont il va procéder pour nous lâcher. C'est rassurant pour nous, car nous n'avons pas déjà pris possession de nos chambres comme les autres. En plus, on ne sait pas du tout à quoi ressemble cette ville.

D'après le guide, ce serait assez vaste, au bord d'une rivière du nom de Todd River. Mais on ne sait pas si c'est tranquille ou pas, on n'a pas d'idée sur l'éloignement de notre hôtel par rapport au centre ville où nous comptons manger, etc.

Les frimeurs nous demandent à quel hôtel on est. On répond au Desert Palm Resort, un simple deux étoiles. Ils nous balancent pourtant un regard jaloux. Intrigués, on leur demande où ils sont. Ils nous répondent d'un air évasif qu'ils ne recherchent pas le confort, qu'ils voulaient une auberge pratique pour le peu de temps qu'ils y passeraient…ils nous disent que ça s'appelle le Toddy's Hostel. On transformera par la suite en "Taudis'Hotel" pour nous foutre de la gueule de ces radins qui veulent flamber. Il nous a gonflés, l'aventurier-qui-se-masse-les-cuisses-au-Nivéa, avec son extraordinaire expérience du parc de Kakadu. Si on ne sait pas qu'ils ont loué un 4x4 et qu'ils l'ont sillonné pendant trois jours et que ça a été le plus merveilleux de tous les souvenirs de la Terre, c'est qu'on est bouchés.

En fait, on est le deuxième hôtel desservi, sur une avenue bordée de villas clairsemées d'un côté et de terrains vagues de l'autre.

Des groupes d'aborigènes se prélassent en famille autour de feux, par-ci, par-là…On dirait des groupes de Roms sans leurs caravanes. A côté d'eux, des cadavres de bouteilles et de cubis jonchent le sol. On pensait qu'on serait plus en ville que ça. On dirait plutôt qu'on est dans une banlieue éloignée.

Mais pour l'instant, il y a plus urgent, puisqu'il faut que nous prenions possession de notre chambre.

Tom nous descend nos bagages ainsi que ceux de la famille française, qui a deux gosses dont un adolescent qui n'en a rien eu à foutre de tout le trajet, enfermé dans sa bulle avec ses écouteurs…Un petit coup de pied au cul pour réveiller Monsieur ? Nous laissons 50 dollars australiens de pourboire à Tom pour son professionnalisme, qui nous a impressionnés. Il est ravi et se confond en remerciements. Les autres Français, eux, prétextent ne pas avoir d'argent sur eux et poussent l'hypocrisie jusqu'à demander à Tom son adresse pour lui envoyer plus tard !

Il fait un geste presque agacé en disant de laisser tomber, les salue le plus chaleureusement qu'il peut et nous salue visiblement plus chaleureusement. Il ne devait pas s'attendre à ce que des Français soient aussi généreux.

Nous entrons dans la réception de l'hôtel. Il y a un peu de tout, là-dedans : des bonbons, des sandwiches, des cartes postales, de l'ambre solaire, etc. L'hôtesse nous accueille avec un sourire commercial un peu forcé. Les formalités étant accomplies sans difficulté, nous recevons notre clé et nous dirigeons grâce au plan qu'elle nous a remis.

Le cadre est très agréable : une grande piscine bordée de palmiers et de bougainvillées égayent l'entrée.

Le reste, ce sont des bungalows à perte de vue. On dirait des petits chalets de bois, fleuris et calmes. On entre dans notre chalet et on jette les valises, heureux de retrouver le confort de la civilisation.

Notre petite maison est tout équipée : micro-ondes, télé, bols, couverts, café, plaque de cuisson, fer à repasser…Home sweet home ! Nous étalons carrément toutes nos affaires pour les aérer, rassembler les sales et s'assurer que nous avons bien tout. Voilà trois jours que le bordel s'accumulait dans nos bagages.

Ensuite, après monstrueuse douche, je pars à la recherche d'un endroit où manger dans l'enclos de l'hôtel. Tout ce que je trouve est une espèce de stand où l'on vend des sandwiches. Quelques pelés sont assis autour d'une table et semblent avoir réservé leur place d'après le regard surpris de la serveuse à mon approche. Je lui demande s'il faut réserver. "It's better", me répond-elle sur un ton qui montre qu'elle n'a pas envie de me servir sans.

N'ayant pas envie de picorer un sandwich bas de gamme agrémenté des grimaces de la serveuse, on marche vers le centre de cette étrange ville.

Le soleil termine son déclin tandis que nous longeons l'avenue qui passe devant l'hôtel. Nous réalisons que les terrains vagues de l'autre coté ne sont ni plus, ni moins que le lit de la Todd River, complètement à sec. C'est une voie de sable parsemée de groupes d'aborigènes.

Nous passons devant de superbes villas avec piscine et parabole, devant lesquelles sont garés de gros 4x4 japonais rutilants. On mesure le degré de sécheresse habituelle aux pelouses rabougries et imparfaites malgré leur arrosage permanent. Sans trop savoir où cela va nous mener, nous longeons la "rivière" jusqu'à un pont qui l'enjambe.

Pas mal de voitures circulent dans les deux sens. Après le pont, nous longeons un quartier résidentiel tandis que la nuit tombe. A la fois pour demander notre chemin et tâter l'ambiance, j'interpelle un type qui passe par là et lui demande où se trouve l'"overlander steakhouse", établissement vivement recommandé par les Espagnols du groupe. Jovial et aimable, il m'indique une direction dans un patois vraisemblablement issu de l'anglais, à moins que ce ne soit tout simplement de l'anglais avec un accent local. Visiblement, on brûle.

On arrive à un carrefour à feux. Nous sommes dans le centre-ville, à 1,5 kilomètres de notre hôtel. En fait, c'est très décousu : la notion de ville n'est pas la même en Europe, où une densité minimale de population est requise et dans ces terres désertiques, où l'absence de désert suffit. Résultat : des habitations très espacées, des routes très larges et un calme omniprésent.

On se perd un peu, tout en croisant les curiosités locales : des aborigènes ivres morts à droite et à gauche. On en croise même un qui se met à dégueuler. C'est pas très rassurant, à vrai dire.

On passe devant un saloon, comme dans le Far West, où des flics éjectent à coups de bottes un soûlard à quatre pattes. Pendant ce temps, un pick-up de flics passe près de nous. Ce qui nous choque, c'est la petite cage à chiens dont il est équipé à l'arrière, certainement pas pour ramasser les animaux en divagation. A moins que la notion d'animaux soit plus large, ici…

Le tout donne une ambiance assez glauque, comme on la trouve dans les Western modernes, qui sont certainement plus réalistes que ceux des années 1950. Il y a les descendants de colons et il y a les Abos, qui sont sur leur territoire et qui vivent en marge de la "société". C'est même pire que ça, ils vivent en marge de la "civilisation". Du moins la civilisation occidentale, qui est venue les massacrer et les spolier il n'y a pas très longtemps, puisque la colonisation de ces terres éloignées des côtes ne doit pas avoir beaucoup plus d'un siècle…Les parents de nos arrière-grands-parents auraient pu en être. Malgré tout, un semblant d'ordre règne, puisque les Abos ne sont pas des violents. C'est d'ailleurs bien leur drame !

Nous finissons par repérer le restaurant que je convoitais. D'extérieur, ça ressemble à un saloon. Décidément, on a vraiment l'impression d'être perdus dans l'Amérique profonde.

L'intérieur ne déçoit pas : c'est décoré comme dans un ranch. Des boiseries partout, une salle noire de monde, un brouhaha typiquement anglophone, de la fumée de cigarette, des tonneaux, des roues de chariots, des chaises en éventail, des serveuses coiffées d'un chapeau de cow-boy et d'un foulard autour du cou, rien ne manque pour recréer la chaleureuse ambiance d'un bon vieux saloon. On nous installe au fond de la pièce non fumeur, moins fréquentée.

Pendant qu'on regarde le menu, je commande une VB bien méritée après toutes ces émotions. Comme c'est très cher, on commande assez peu de choses. Domi se contente d'une entrecôte tandis que je goûte une assiette complète du bush, arrosée bien sûr d'un verre de vin australien. C'est la fête, soyons fous.

On observe les autres clients en attendant qu'on nous serve. Il est aisé de déterminer les nationalités puisque chaque table est munie d'un drapeau qui correspond. C'est pour cette raison qu'on nous a demandé d'où on venait en entrant. Ce genre d'attention fait toujours plaisir, quand on est chauvin ! D'ailleurs, on remarque que les drapeaux européens et notamment français sont les plus nombreux.

Près de nous, une famille américaine se goinfre. On aurait trouvé leur nationalité sans voir leur drapeau : les parents et les gosses sont obèses, ils braillent en anglais pas smart, ils ont l'air décomplexés et sympathiques.

Plus loin, une table de Français qu'on aurait démasqués à coup sûr également. Un couple sans enfant, la trentaine bien sonnée, maigrichons, l'air con et attentifs aux regards qu'ils reçoivent à juste titre puisqu'ils sont le centre du monde. Lui est habillé comme s'il défilait pour Dior et elle est décolorée, régimée et séances-d'UVée…

C'est alors qu'arrivent nos plats. Le mien est une grande assiette couverte de minuscules tas de différentes spécialités. Je ne vais pas m'étouffer ! Cependant, c'est curieux et pas mauvais. J'ai le privilège de goûter des viandes que je ne retrouverai pas de sitôt : du dromadaire, de l'émeu, du kangourou, du crocodile et du barramundi.

Pas copieux, mais délicieux ! En plus, le vin passe très bien avec. C'est un rouge d'Australie Méridionale au rapport qualité-prix exorbitant. Le crocodile est une viande blanche à mi-chemin entre le poisson et le poulet, un peu comme des cuisses de grenouilles. Et ils ont le toupet d'être horrifiés qu'on puisse manger ces braves batraciens !

Le dessert est banal, mais copieux : des coupes de glaces dont la fraîcheur est somme toute bienvenue. Après cette frugale fête, nous ne tardons pas à rentrer dans nos pénates.

On reprend le chemin de l'aller en sens inverse, mais sans se perdre, cette fois-ci. De nuit, nous longeons le lit asséché de la Todd, parsemé de foyers aborigènes, puis les villas avant de retrouver nos lits avec tout le bordel que nous y avons laissé…Tant pis, on rangera demain.

 

 

Mercredi 14

 

Le fait de se lever comme on veut, sans contrainte spéciale, nous donne l'impression d'avoir eu une grasse matinée alors qu'on se lève vers 7h30… On prend bien notre temps pour nous doucher, flâner devant la télé qui déverse son flot de news et ses télé-achats, ranger nos valises en sifflotant, etc.

Nous prenons notre temps et surtout notre revanche sur la discipline quasi-militaire qui régnait pendant cette virée dans le bush…Puis, un petit creux au ventre, on endosse un manteau contre la fraîcheur matinale et nous voilà partis à la découverte d'Alice Springs après avoir laissé nos bagages à la consigne de l'hôtel.

Première priorité : prendre le petit-déjeuner. On emprunte joyeusement le chemin d'hier jusqu'au centre ville.

Sans trop chercher, on trouve un petit fast-food pour baffrer tout ce qu'on veut. On s'installe à l'intérieur, désert à cette heure de mi-matinée. Les gens sont au boulot : des blancs en chapeau donnent des ordres à des ouvriers aborigènes. Au moins ceux-là ont réussi à avoir un travail.

On découvre au passage qu'il existe des cas de métissage entre les Blancs et les Abos. D'ailleurs, ces derniers sont habillés à l'Occidentale, tandis que les pure souche, les plus nombreux, sont plutôt en haillons…

Tranquillement, alors que le soleil est déjà haut, nous attendons assis que l'on nous serve. Nous sommes bien, détendus, reposés et de bonne humeur. C'est bon, de retrouver la ville.

La serveuse nous amène du thé, des toasts dont Domi raffole, du beurre néo-zélandais, des petites confitures et bien sûr du jus d'orange. Un vrai festin !

Tout en dégustant, nous observons par la vitrine la vie trépidante d'Alice Springs. C'est vraiment une petite ville, mais qui aurait l'étoffe d'un chef-lieu de comté. Pourtant, elle n'est administrativement pas la capitale du Territoire, puisque c'est Darwin qui joue ce rôle. C'est la capitale de fait du Central Australia, c'est tout.

Nous sommes impatients d'aller à sa découverte, alors sitôt le petit déjeuner englouti, nous sommes dehors. Il fait bon, les pelouses sont arrosées, c'est agréable. Nous sommes en plein centre, c'est à dire au croisement de deux avenues piétonnes où se concentre l'activité commerciale. Face à nous, le "Capricornia Centre", une sorte de grande quincaillerie à l'intention de tous les bricoleurs et jardiniers résidant sous le tropique du même nom.

Un peu plus loin, l'unique galerie marchande de la ville dotée d'un supermarché sert de repaire à de nombreuses tribus aborigènes qui viennent y chercher de la distraction et de l'alcool : bière, vin, vermouth…qu'importe le flacon. Forcément qu'un Européen moyen est choqué par cette attitude de total laisser aller. Mais il faut enregistrer qu'ils sont chez eux et que c'est nous qui leur avons apporté l'alcool. Et puis il faut arrêter de prendre nos valeurs et repères comme universels.

Il est clair qu'en les voyant glander, picoler, sales, bref réduits à l'état de clochards, la notion de travail leur est difficile à apprivoiser. Mais pourquoi aller travailler alors qu'ils se contentaient de ce qu'ils trouvaient dans la nature, qu'ils respectaient tellement qu'ils avaient pour principe philosophique de ne rien changer. C'est ce qui explique leur caractère généralement pacifique, d'ailleurs. Les fauteurs de trouble, c'est nous. Et puis peut-on parler de progrès, lorsque la technologie détruit les forêts, les animaux, l'air, l'eau et même les hommes ?

Nous avons pour principe de toujours innover sans nous soucier de notre planète, ils ont exactement le principe inverse. Qui a raison ?  Si on part d'un autre principe que celui qui est chez lui a raison, allons nous-en et remettons en ordre tout ce qui est possible…Utopie, utopie…

Cette ville est propice à ces réflexions car on croise des Abos un peu partout. Mais pour autant, il semble très difficile de les aborder. Ils restent entre eux et semblent cohabiter avec les Blancs, à la marge.

Alice Springs est une sorte d'oasis au milieu du bush, qui aimante des pauvres hères censés rester dans leurs réserves. On a vraiment cette impression. On sent que si ces derniers sont tolérés, c'est bien parce que la loi l'oblige. C'est bien parce que nous sommes dans le Territoire du Nord, dont le statut est très particulier.

Contrairement au reste de l'Australie, ce n'est pas un Etat. C'est un territoire sous la tutelle de Canberra, mais dont les lois et le régime des propriétés foncières sont aménagés au bénéfice des Aborigènes. En clair, malgré le sentiment d'exclusion que nous ressentons pour eux, ils ne peuvent être plus chez eux qu'ici !

Eh bien, ça a dû y aller, les massacres, il n'y a pas si longtemps…Ça ne devait pas être beau à voir et il vaut mieux ne même pas imaginer le tableau…Pourquoi les gentils perdent-ils toujours ?

Malgré tout, nous continuons à arpenter les rues d'Alice. Des banques, des boutiques de fringues, des services divers, rien ne manque et tout est moderne. Les rues sont larges pour laisser passer les grosses bagnoles et les camions, que l'on voit souvent. Nous cheminons vers le principal monument de la ville, qui en a fait ce qu'elle est devenue : la station télégraphique. C'est à un ou deux petits kilomètres, au nord.

Pour y aller, il faut longer la "rivière", c'est à dire le large chemin de sable. Nous passons par un petit chemin qui la borde, parfois ombragé par des eucalyptus. La sortie de la ville se manifeste par une école, source de cris stridents qui contrastent avec les tranquillité absolue qui suit. On se demande si on est sur la bonne voie, d'ailleurs. C'est désert, ici ! Le passage de touristes à vélo en sens inverse nous rassure bientôt. Le soleil tape déjà pas mal.

Finalement, nous touchons notre but. On s'attendait à de la foule, il n'y a que deux tondus le nez au vent…

Le parc qui borde la station est joli, couvert d'eucalyptus dont l'un d'eux est fréquenté par une espèce de perruche verte et bleue, que je m'empresse de fixer sur ma pellicule. Nous réglons le modique droit d'entrée et visitons à notre guise, Domi ayant décidé de servir de guide à l'aide du dépliant qu'on nous a remis.

C'est resté en l'état, comme si le télégraphe était encore en activité. On retrouve l'ambiance 19ème siècle, avec les meubles rustiques assez classe, les lits fonctionnels mais de bonne qualité, la vaisselle un peu grise, etc. Elle a fonctionné jusque dans les années 1920, cette station. Il y avait un chef, qui vivait avec sa famille toute l'année. Des ouvriers venaient y faire des périodes et certains d'entre eux ont fini par s'y installer. Le ravitaillement était assuré par de l'auto-production. En effet, il y avait des cultures, une écurie dotée d'une forge, un four et bien sûr un puits très profond. De nombreux ouvriers étaient aborigènes et vivaient un peu comme Vendredi vivait aux côtés de Robinson.

La mission de cette station était d'assurer le relais entre Darwin et Adélaïde. De plus, elle permettait de maintenir une présence coloniale dans ces contrées dont les autochtones auraient tôt fait d'oublier leurs nouveaux maîtres…

Dès lors que le train l'a rendue définitivement obsolète, la station a été transformée en centre d'accueil pour les familles aborigènes. Des photos exposées dans l'un des bâtiments montre des enfants souriants, jouant dans les champs ou sur des tas de bois coupé…A côté d'eux, une mamie très British vêtue comme une nurse. Tout de même, il semble que le souci du bien-être des autochtones ait été plus précoce ici que dans les états voisins. Et puis, par la suite, Alice Springs a pris de l'ampleur du fait de son emplacement central jusqu'à l'époque actuelle, qui l'a littéralement fait exploser depuis que des tarés de touristes viennent coucher sous des tentes alors que les températures avoisinent les -5°C la nuit !

Les boutiques de tour-operators fleurissent le long des quelques avenues de la ville. A côté, des minibus, des remorques, des 4x4 attendent le prochain départ. Les quelques bâtiments qui composent la station recèlent d'une foule d'objets d'époque rigoureusement entretenus, comme seul un Anglais armé de son instinct conservateur sait le faire. Les machines télégraphiques, notamment, sont rutilantes et semblent attendre un message en morse. Pour recréer l'ambiance, un magnétophone crache le bruit du fil qui chante…On s'y croirait.

La salle à manger trahit l'esprit de discipline et de rigueur qui devait prévaloir : tout est ordonné, hiérarchisé, léché au millimètre pour exprimer l'autorité du chef de station et, accessoirement, des membres de sa famille.Dans le même temps, l'austérité de l'époque et du lieu transparaît. C'est une atmosphère très particulière et très bien retracée.

Les écuries et la forge sont encore emplis de tous les outils nécessaires au dur labeur des ouvriers. Ce devait être une vie très dure, très austère, intégralement consacrée au perpétuel travail de lutte contre la nature. Une vie de pionnier, de découvreur, de véritable aventurier…Il faut admirer tout de même le courage de ces explorateurs qui se sont perdus au fond du monde et qui ont su maintenir à force de travail et de discipline un mode de vie décent pour eux et leur famille.

Notre époque est-elle si différente que ces temps coloniaux, au fond ? Même si le niveau de confort est sans comparaison, les catastrophes humanitaires, le travail des enfants, l'exploitation des femmes, l'esclavage, les maltraitances et la prostitution continuent. Même les pays dits "développés" sont touchés par le fléau de la colonisation économique : fuite des capitaux, délocalisations, chômage, évasion fiscale, exploitation de main d'œuvre en situation irrégulière…Sans parler de l'économie souterraine. Dans quelques décennies, nos petits-enfants parleront sans doute de nos agissements (ou de notre absence d'acte !) avec horreur et se focaliseront sur l'exploitation de la misère et des enfants en nous mettant tous dans le même sac et en nous considérant comme des barbares. Exactement comme nous faisons vis à vis des colons du 19ème siècle…Il y a même fort à parier que s'il n'y avait pas eu de colonisation territoriale, nos hommes politiques bien pensants trouveraient d'excellentes raisons pour la mener aujourd'hui, au nom de la raison d'Etat et pour le bien être des populations en retard de développement. Comme si le "développement" était une obligation de l'Homme. Comme si ce terme ne renfermait que des bienfaits pour tout le monde…

Voilà les réflexions que nous inspire ce lieu étrange.

Nous regagnons tranquillement le centre tandis que la chaleur nous oblige à ranger les manteaux. Nous commentons cette très instructive visite tout en longeant la Todd asséchée. Juste après l'école, nous tournons à droite pour visiter le deuxième monument de la ville : Anzac Hill.

Le nom "Anzac" est en fait un sigle qui signifie "Australian and New Zealander Army Corps", c'est à dire la coalition des armées australiennes et néo-zélandaises montée pendant la Seconde Guerre Mondiale. La colline, point culminant de la ville, est donc coiffée d'une stèle à la mémoire des soldats tombés aux combats.

On escalade les marches irrégulières et escarpées qui y mènent. Petite récompense au sommet : un vent frais qui nous fait vraiment du bien. La vue à 360° est splendide : devant nous, à nos pieds, la ville. En fait, c'est assez étendu : ce sont des avenues à angle droit bordées de villas, magasins et eucalyptus.

A droite, l'immense gare routière où se repose une foule de road trains. Il y en a un à 5 remorques qui est en cours de révision avant le départ…même à 500 mètres, c'est impressionnant !

Derrière nous, la Todd et au loin, l'horizon est barré par la petite chaîne des Macdonnell. Ce sont des plateaux qui surgissent d'un côté et plongent doucement de l'autre, culminant à probablement 400 mètres. Nous prenons des photos.

De sympathiques petits vieux nous proposent de nous prendre sur le même cliché. Nous acceptons volontiers. Et puis les petits retraités tchatchent un peu avec nous, spontanément : d'où on vient, qu'est-ce qu'on a visité, est-ce que ça nous plaît, etc. Ils viennent d'Adélaïde (prononcée "à de l'ail'd") et sont en vacances. Ils aimeraient visiter Paris mais ils sont trop vieux pour supporter autant d'avion, disent-ils en riant franchement. Ils nous parlent comme si nous étions de vieux amis contents de les retrouver, c'est rigolo ! Et puis vient la fin de la conversation, alors nous avons droit à un claquement des cinq doigts et des effusions…Extraordinaire ! Une conversation difficile à concevoir en France ! Y'a pas à dire, ils ont une autre mentalité, tout de même ! C'est très agréable et ça témoigne de l'insouciance et du peu d'insécurité qui règne…

Contents, nous redescendons et regagnons le centre-ville tout proche. Domi me prend en photo à côté d'un road train qui stationne par là. Un de mes caprices, je l'avoue. On s'arrête à la poste, qui fait en même temps librairie, papeterie et marchand de journaux. Nous y achetons de nombreuses cartes postales. Dans un coin, nous en rédigeons une petite dizaine à destination de la France. Les timbres que nous y accolons sont très jolis car ils représentent en couleur la faune locale. Et hop ! le tout dans une boîte !

Il s'agit maintenant de satisfaire un besoin urgent : manger ! Nous nous dirigeons donc vers le centre commercial à la recherche d'un sandwich et d'une boisson. On décide d'aller d'abord acheter de l'eau dans le supermarché.

On fait un tour rapide, car c'est comme chez nous, aucun intérêt. Ce qui est couleur locale, en revanche, c'est la longue file d'aborigènes braillards à la caisse pour payer des cubis par dizaines…En fait, il n'y a pas trop le choix pour bouffer : nous nous rabattons sur l'unique fast food à l'entrée de la galerie.

Nous commandons deux burgers et des frites. De toute façon, ils sont nuls en bouffe, dans ce pays !

Les burgers ne sont pas mauvais, garnis de vrai bœuf. Des abos mangent à quelques tables de nous et nous les observons discrètement pendant notre repas. Ils houspillent sans arrêt leurs turbulents gosses vêtus de vieux tshirts criards. Un vrai spectacle !

Un coup d'œil à la montre nous commande de regagner l'hôtel pour préparer notre envol vers le Nord. Une dernière traversée de cette ville atypique, et nous récupérons une chambre provisoire pour nous changer.

Une fois prêts, nous avons le temps de siroter un jus de fruit et manger quelques sucreries près de la piscine. C'est agréable ! Dommage que le fond de l'air et l'eau soient si frais, car c'est tentant de piquer une tête dans ce bleu turquoise sous le vert des palmiers. On se contente de ne rien faire, en silence, les doigts de pieds à l'air…

Et puis vient l'heure de prendre la navette pour l'aéroport. Comme toujours, elle arrive en avance. Le sympathique chauffeur range nos bagages dans la soute, nous commande de grimper, et vraoum ! Nous voilà partis.

Son dynamisme et sa jovialité nous secouent un peu, ça réveille ! Nous sommes très vite à la sortie de la ville, puis empruntons une grande route pendant quelques kilomètres. Et zou ! La tornade de chauffeur nous jette devant le hall et nous remet nos bagages. Son large sourire s'estompe à peine quand il voit qu'il n'aura pas de pourboire, puisque nous n'avons pas de monnaie sur nous. On a quand même le droit à un joyeux "bye, bye !" avant qu'il ne redémarre en trombe…

L'aéroport d'Alice Springs est tout petit mais très moderne.

Nous enregistrons nos bagages à un guichet désert et nous rendons dans la salle d'attente. Quelques boutiques vendent des souvenirs, mais également des sucreries et des boissons. Nous achetons quelques babioles et allons attendre sur un siège.

Le soleil entame son long déclin d'après-midi hivernal. Des écrans nous indiquent que nous avons encore quelque temps à attendre. Pendant ce temps, la salle se remplit progressivement.

A l'heure convenue, une hôtesse nous invite à embarquer. Notre avion est assez petit et nous attend sur le tarmac baigné de l'orange solaire. Ici, pas de chichi, on y va à pied ; inutile de mettre un tunnel entre l'aéroport et l'appareil…Puis le cirque habituel recommence : après que tout le monde soit placé, on a le droit aux sempiternelles consignes de sécurité puis au décollage et à un frugal repas, tandis que le hublot montre l'infinité des terres arides qui s'endorment dans le rouge soleil. Lassés, nous nous endormons.

Le micro de l'hôtesse nous tire de notre torpeur et nous annonce l'imminent atterrissage sur Darwin.

 

La température extérieure est cette fois-ci de 28°C. Ca y est ! Les vraies vacances commencent !

Une fois les bagages récupérés, nous prenons place dans la première navette que nous trouvons. Il fait nuit, nous ne voyons que des lumières circuler. Par contre, on tient en t-shirts ! C'est comme si en deux heures on était passé de l'hiver au plein été.

Ici, dans l'extrême Nord du pays, c'est la saison sèche, la meilleure. Darwin est dans la très étroite zone tropicale australienne : le climat est réellement différent du reste du pays. Il comporte trois saisons : la "dry" de mai à novembre, la "wet" de janvier à avril et une saison intermédiaire en décembre, qui se manifeste principalement par de violents orages. Toute l'année, la température oscille entre 26 et 32°C.

Nous attendons un bon moment que la navette se remplisse. Soudain, qui vient s'asseoir à côté de nous ? Le couple de Hollandais du groupe de campeurs ! Du coup, on discute jusqu'au démarrage du car.

De nuit, ça fait très calme.

Nous traversons des zones pavillonnaires très modernes, aux larges avenues et bien éclairées. Ça ressemble à ce qu'on voit de la Californie à la télé : de belles maisons encadrées de palmiers…

Le centre est à une dizaine de kilomètres de l'aéroport mais la navette passe dans le moindre recoin comportant un hôtel. L'un d'entre eux demande un sacré détour, au fin fond d'une zone chic, près de la mer.

Notre hôtel est sur la principale avenue qui borde le front de mer. Le Saville est un établissement très chic, richement décoré. La réception est gigantesque, toute scintillante. Un groom indonésien nous accueille assez froidement et s'empare de nos bagages.

Nous allons donner nos vouchers à la réceptionniste, assez peu communicative. On nous donne les clés et nous empruntons l'ascenseur jusqu'à notre suite, puisque c'en est une. Mais ce n'est malheureusement pas une des grandes suites, seules à donner sur le front de mer. De toute façon, on ne passera que deux nuits ici. La suite est très confortable, richement meublée, feutrée de moquette propre et pourvue d'un très large lit…

On se change en vêtements d'été de sortie et on descend à la découverte d'un resto pour fêter notre arrivée à Darwin.

Nous sommes impressionnés par la modernité de la ville : des immeubles de verres et d'acier se succèdent, encadrés de palmiers qui bordent de larges avenues. Des restos illuminent le soir, tandis que des bagnoles vrombissent de-ci, de-là. C'est vivant, ici !

On retrouve une atmosphère méridionale, dans cette contrée septentrionale. On fait un peu le tour, mais notre faim nous incite à nous contenter de ce qui passe à notre portée. Aussi, on opte pour une pizzeria. On commande dedans et, comble du luxe, on mange en terrasse !

Ça nous permet d'assister à la vie nocturne locale. Des jeunes, des vacanciers passent. Des dingues en bagnole foncent comme des dératés. Étonnant, cet irrespect des lois. Sans doute sommes-nous plus en Indonésie qu'en Australie...

Ma pizza est digne d'une cantine, de même que les pâtes de Domi.  La bouffe est le seul aspect qui nous fait regretter la France !

Et puis nous rentrons en longeant le front de mer. C'est une mer nouvelle pour nous, la mer de Timor, dont l'autre rive est l'Indonésie. Elle fait partie de l'océan Indien, en fait…

 

 

Jeudi 15

 

Une fois de plus, nous sommes tirés du lit très tôt. Le soleil tropical n'est même pas encore levé.

Aujourd'hui, nous allons visiter le fameux parc de Kakadu. C'est un symbole, puisque les aventures de Crocodile Dundee y ont été tournées.

Visiter un symbole, ça se mérite ! Je commande par téléphone un solide petit déjeuner. Comme d'habitude, nous nous régalons de thé, toasts, beurres, céréales, jus de fruit…

Une fois le petit sac à dos pourvu des appareils photos, papiers, chèques de voyage, vouchers et autres crèmes solaires, nous allons paisiblement attendre la navette qui doit passer nous prendre devant l'hôtel.

Peu de temps après, elle arrive. Le chauffeur nous demande nos vouchers, puis regarde sa liste de voyageurs. Il cherche un moment avant de nous dire qu'il ne nous trouve pas. On vérifie le voucher : c'est bien sa compagnie, à la bonne date, mais il nous ne figurons pas dans la liste. Il nous dit de monter quand même, qu'il doit y avoir une erreur et qu'on va voir ça à l'agence. On ne s'inquiète pas outre mesure, puisqu'une erreur administrative est vite arrivée…

Les navettes, c'est pratique, mais elles ont un gros inconvénient, c'est qu'il faut se taper tous les autres hôtels avant d'arriver à bon port. Pendant trois bons quarts d'heure, nous zigzaguons ainsi dans les rues de Darwin. On visite, en même temps.

C'est joli, tropical et très moderne. Mais il est probable que la ville elle-même recèle bien peu de lieux touristiques.

C'est plutôt une ville au développement récent, qui doit attirer par son climat et qui sert d'implantation économique vers l'Asie. Elle est en effet très proche de l'Asie du Sud Est. Elle en fait même plus ou moins partie. A n'en pas douter, Darwin est un important pôle économique capable de rivaliser avec les Dragons…Le développement est visible à l'œil nu, puisque tout ou presque est neuf.

Enfin, on nous dépose devant l'agence responsable de notre périple. Les autres touristes sont conduits directement dans un grand car, tandis que nous sommes conduits au guichet. Les vilains petits canards...

C'est une situation pas très agréable, quand même. La guichetière, une jeune grosse, a l'air désolé. Du coup, notre stress augmente d'un coup. Elle nous dit de patienter, car elle est au téléphone, justement pour notre affaire. Inquiets, nous voyons le car partir sans nous…Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

Après plusieurs minutes de stress, la guichetière nous demande de venir vers elle. Elle nous explique que notre voucher doit être erroné car elle n'a jamais reçu de commande à notre nom. Inquiet, je lui demande comment on fait. Elle me répond d'un air désolé qu'elle ne sait pas, qu'elle a essayé de nous trouver de la place dans un autre car, mais que tout est complet et qu'elle ne peut pas prendre le risque de mettre plus de passager qu'il n'y a de place à cause de la police. De toutes façons, on n'a pas payé un strapontin …

Agacé, je commence à m'énerver un peu. Du coup, elle repasse des coups de fils et finit par nous dire qu'elle a trouvé un 4x4 mais qu'il faudrait qu'on paye à nouveau et qu'on demande ensuite le remboursement à notre agent de voyage. Là, je suis carrément en colère et lui dis qu'il est hors de question qu'on paie deux fois un contrat qui est à leur nom. La pauvre grosse est toute retournée et replonge sur son téléphone.

Après une dizaine de minutes, elle pousse des grands cris de soulagement et nous explique que tout est arrangé. En effet, elle a appelé d'autres agences pour essayer de nous caser et elle est tombée sur une à qui il manque deux personnes à l'appel : nous ! C'est la connasse du tour-operator en France qui a mal rédigé le voucher et s'est plantée de prestataire !!! On se jure de ne pas la rater dans l'enquête de satisfaction, celle-là !

Rassurés, on attend dans l'agence un taxi affrété aux frais de notre mauvais prestataire (qui est très sport, puisqu'en fait, il n'y est pour rien, dans l'histoire). Pendant ce temps, on discute plus calmement avec la guichetière. Je m'excuse de mon emportement et elle me dit que ça arrive parfois pour des broutilles sans importance mais que pour une fois, c'est justifié même si sa boîte n'a rien à voir là-dedans. Elle relève sur notre bon de réservation le nom de celle qui s'est plantée de fournisseur afin de lui réclamer la note du taxi. Normal.

Après quelques minutes, une grosse bagnole blanche se gare devant l'agence. Un type assez vieux en sort et entre dans la boutique. La grosse lui explique la situation en deux mots et le prie de faire très vite pour nous amener à un car qui attend avec 25 personnes. Silencieusement, le chauffeur nous fait installer et démarre.

On traverse Darwin dans le petit matin qui promet une journée bien chaude…Ça change de la fraîcheur habituelle ! Nous avons droit à une courte vue sur l'eau très bleue avant de nous engouffrer dans le centre.

Rapidement, nous traversons des banlieues industrielles modernes, des immeubles neufs et design puis, après quelques nœuds routiers, nous nous engageons sur une route importante vers des zones plus vertes.

Pendant que nous sillonnons les dernières maisons isolées dans les palmiers de la banlieue de Darwin, j'essaie d'entamer la conversation avec le chauffeur. Mais il est trop absorbé par sa conduite pour bavarder. Et puis il cause dans un talkie alors même que nous approchons d'un car garé près d'une station essence.

Terminus, on dit merci et au revoir au silencieux chauffeur et un type déguisé en scout des tropiques nous accueille joyeusement. Les bras en l'air, il lance quelques plaisanteries moqueuses pour immédiatement détendre l'atmosphère. On s'excuse auprès de l'assistance, qui ne semble pas nous en vouloir et on grimpe tous dans le car.

C'est exactement le même modèle de minibus que celui qu'on a eu dans le Centre Rouge.

Ici, nous serions plutôt dans le Centre Vert. La route que nous suivons traverse en ligne droite des forêts très clairsemées de palmiers. L'herbe tropicale, aux feuilles arrondies microscopiques, tapisse le tout et le ciel bleu tire sa toile sur le fond.

Très vite, notre guide-chauffeur entame la conversation, puisque je suis son co-pilote. Il me demande d'où on vient. Quand je lui dis qu'on est de Paris, il pousse un soupir d'envie. Je lui pose une foule de questions sur la région. Joyeusement, il en parle avec volubilité.

C'est un coin très spécial, au climat dur. D'ailleurs, il fait partie des rares qui restent plusieurs années. En effet, peu de gens supportent la saison des pluies, ni même la saison intermédiaire. Sans compter l'isolement par rapport aux villes australiennes, toutes situées à plus de 2000 kilomètres…Pour lui, seuls les Indonésiens sont aptes à s'installer durablement ici.

Je remarque par la vitre que des espèces de grosses pierres sont entassées à la verticale assez souvent. Je lui demande ce que c'est. Ce sont tout simplement des termitières…

Impressionnant ! Il faut imaginer les alignements de Carnac dont les menhirs seraient en fait peuplés de ces insectes…Si tout est comme ça, il vaut mieux se méfier des chenilles et autres vers.

De temps à autres, le guide interrompt notre conversation pour prendre le micro et faire quelques commentaires pour le groupe.

Là, des buffles paissent tranquillement à l'ombre. Comme pour les autres espèces, ils sont spécifiques à l'Australie. Il en reste quelques centaines, protégés. Avant l'arrivée des colons, ils pullulaient dans les environs. On imagine la boucherie…

Après quelques dizaines de kilomètres, il reprend le micro pour nous indiquer le programme de la journée. On retrouve cette organisation stricte et sans surprise qui rassure tant les Anglais.

Comme il nous l'a indiqué, le chauffeur stoppe bientôt le car devant une station essence. Tout le monde descend, nous avons une demi-heure de pause. L'endroit est calme, agréable. Nous nous dirigeons vers un enclos attenant où sont allongés des buffles nonchalants. Il fait une température idéale, ni chaude, ni froide. Puis nous pénétrons dans la station. On retrouve l'ambiance d'un saloon, tout en bois et fréquenté. Puisque nous sommes dans un lieu isolé, l'établissement vend de tout : boissons, sandwiches, plats sur commande, glaces, souvenirs…Nous y passons quelques instants agréables, pénards, relaxés, déstressés, même…

Avant de remonter dans le minibus, nous allons prendre quelques photos dans un terrain vague juste à côté. En effet, une magnifique termitière d'au moins deux mètres se dresse majestueusement.

Nous repartons quelques instants après pour Kakadu.

En peu de temps, nous arrivons à des panneaux qui nous indiquent que nous sommes les bienvenus dans le fameux parc. En fait, c'est la suite de la route que nous empruntons. Rien ne change à ce stade. Mais on prend la mesure de l'immensité du parc lorsqu'un second panneau indique un peu plus loin que l'entrée est à…17 kilomètres ! Je consulte mon guide et comprends mieux : Kakadu, parc naturel national, a une superficie légèrement supérieure à celle de la Belgique…

On comprend pourquoi c'est vraiment naturel, qu'il n'y a pas d'aménagements partout.

Nous passons le portique d'entrée, ce qui se traduit par la remise d'un ticket matérialisant notre droit de visite ainsi qu'un plan, puis nous continuons notre chemin. Et nous roulons, sans cesse. Ça n'en finit pas ! En fait, nous nous dirigeons vers l'autre extrémité, située à 170 bornes de l'entrée ! On a voulu les grands espaces, on est servis.

La chaleur et l'ennui commencent à se faire sentir lorsque nous nous garons à l'ombre de palmiers, sur un parking en terre bondé de minicars comme le nôtre. Heureux de nous dégourdir les jambes, nous marchons un peu avant de nous couvrir de protection solaire et d'anti-moustique…Lunettes, bobs, et c'est parti pour la grande aventure !

Le petit groupe de touristes que nous constituons est calme, ce qui nous convient très bien. Nous marchons tous tranquillement le long des palmiers et des termitières dans une chaleur bienfaisante. Enfin, les vraies vacances !

Le lieu que nous visitons, appelé Ubirr, est réputé pour ses grottes dont les murs sont couverts d'art rupestre aborigène.

Pour l'instant, nous dirions qu'il est surtout couvert de touristes...Des shorts, des bobs, des lunettes noires partout ! Sans compter l'odeur d'huile solaire. Alors que ça devait être si paisible, il y a 40.000 ans...

Il faut escalader quelques marches naturelles pour pouvoir admirer le plafond d'une grotte ou plutôt d'un abri assez vaste. Notre guide commente : ce lieu a abrité très longtemps des familles de chasseurs. Par endroits, notamment au plafond, des dessins témoignent de leurs préoccupations : buffles, crocodiles, reptiles aujourd'hui disparus et serpents divers. Malgré la foule, on a pas de mal à imaginer la vie de ces hommes sauvages, à mi-chemin entre l'homme moderne et l'hominidé. On les imagine très bien assis, allongés, debout, occupés à gratter un bout de bois, à tanner une peau, à peindre en toute insouciance.

Dans la chaleur de fin de matinée, nous poursuivons vers des rochers plus escarpés. J'en connais une qui va apprécier ! Par endroits, c'est même assez casse-gueule.

On s'arrête à un endroit où d'autres peintures sont visibles. Ce qui est assez marrant, c'est que ces hommes préhistoriques avaient un sens du design qu'on pourrait tout à fait apprécier aujourd'hui. Le guide nous explique que certaines peintures sont beaucoup moins anciennes que les autres, ce qui prouve que l'endroit a été de tous temps occupé, jusqu'à une époque sans doute très récente.

Encore une escalade et nous débouchons sur un panorama à couper le souffle.

Nous sommes sur un promontoire qui domine une immense plaine verte, bordée d'arbres et couverte de minuscules termitières à l'infini. Au milieu de la plaine, un petit miroir bleu d'eau. C'est fantastique...

On dirait un paysage d'Afrique. Émerveillés, nous restons un long moment tous les deux à profiter de ce spectacle inattendu. Nous jouissons de la vue à 360° qui s'étend à nos pieds. A perte de vue, du vert et encore du vert. L'homme n'a pas tout détruit, tout de même…

On prend des photos et un couple de petits vieux nous propose gentiment de nous prendre tous les deux sur le même cliché. Nous acceptons, ce qui nous vaut d'entamer la conversation avec eux. Tout comme les petits vieux d'Anzac Hill, ils ont le contact chaleureux et facile. Ils viennent de Tasmanie et sont en vacances au soleil, pendant l'hiver tasmanien…Je plaisante avec eux en disant "Tasmanians…the devils !" alors ils éclatent de rire avant de nous saluer chaleureusement. Comme c'est la deuxième fois que ça nous arrive, on peut raisonnablement penser que les Australiens sont comme ça, joviaux et conviviaux.

Un dernier coup d'œil à cette splendide vue, et nous redescendons ces rochers que nous avons escaladés. On marche assez longtemps jusqu'à un mur peint, dont la légende nous est contée mais à laquelle nous prêtons une attention toute relative, car nous commençons à avoir faim.

De retour dans le minibus, nous reprenons la route pendant un long moment, puisque ce n'est qu'après 80 kilomètres que nous nous arrêtons manger.

Notre aire de pique-nique est spécialement aménagée à cet effet, près d'un complexe hôtelier. Un des hôtels est rigolo, puisqu'il est en forme de crocodile. C'est le seul endroit semi-urbanisé à des centaines de kilomètres alentour. Le guide sort deux cartons de bouffe emballée dans des sachets et un tonneau à eau. Nous nous servons et prenons place à l'ombre d'un grand eucalyptus, assis face à un lac qui semble naturel.

La bouffe est correcte, pour un sachet pique-nique.

Soudain, un des touristes du groupe assis derrière nous pousse des cris tandis que nous voyons un aigle s'éloigner de lui à tire-d'aile. Le touriste, pas trop rassuré, s'exclame en anglais et en riant que l'oiseau lui a volé la cuisse de poulet qu'il était en train de manger…On sourit, personne d'autre ne réagit, le type se rassoit en commentant l'événement avec sa famille.

J'en ris avec Domi lorsque je sens soudain un battement d'aile dans mon oreille droite, puis, n'ayant rien compris, constate que la cuisse de poulet que j'avais dans la bouche est fermement prise dans les serres d'un aigle qui s'éloigne à tire-d'aile. Surpris, je proteste en invectivant l'animal, puis je me retourne vers mon collègue de mésaventure…ce dernier reprend de plus belle ses commentaires en anglais dont on ne pipe rien. Pourrait pas parler français comme tout le monde, non ?

Du coup, nous avalons le reste de notre repas en scrutant nos arrières, courbés vers le sol…On a voulu de la nature, on est servis !

N'empêche que cet immense parc est très beau. Il fait plus penser à une réserve africaine qu'à un parc.

Rapidement après avoir mangé, notre guide nous presse pour la suite. En plein cagnard, nous redémarrons vers de nouvelles aventures. On roule un bon moment avant de se garer près du centre naturel de Kakadu, vitrine artificielle de ce qui pullule à l'état naturel.

Malgré tout, cette pause à l'ombre est bienvenue et pas mal faite. On y apprend tout un tas de choses sur la très riche faune et encore plus riche flore du Nord. Ainsi, nous voyons comment les serpents vivent sous terre, quelles espèces de fourmis, termites, oiseaux...et j'en passe vivent ici. Il semble que la faune habituellement rencontrée plus au Sud soit absente : pas de kangourou, ni de wombats. C'est pas chez eux, c'est tout.

Une fois tout le monde rassemblé, on remonte dans le minibus et on reprend à nouveau la route.

C'est interminable, mais il est vrai qu'un tel parc mériterait trois jours de visite. A cause des horaires d'avion et du manque de conseils, nous n'avons pu y rester que ce jour de l'Assomption. C'est mieux que rien...Cela n'empêche pas de couvrir en un jour la distance qu'on aurait faite en trois ! D'où cette omniprésence du car.

Plusieurs dizaines de kilomètres de jungle plus loin, après que le guide m'ait expliqué à quoi elle ressemble lors de la saison humide -c'est à dire à une mer intérieure, vu que l'eau monte de 2 mètres !-, nous arrivons au haut lieu, au temps fort de la journée : la promenade en bateau au milieu des crocodiles.

On a hâte de voir ça…Il faut marcher quelques hectomètres avant d'arriver à une sorte de ponton d'accostage qui passe au-dessus des hautes herbes pleines de saloperies invisibles. Il vaut mieux ne pas savoir quelles horribles bêtes se prélassent là-dedans !

Comme pour les grottes, c'est la foire au short et au bob. On est pas les seuls à avoir eu l'idée, quoi...

Les bateaux sont en fait des barquettes plates recouvertes d'un toit en tôle pour protéger de la chaleur. Nous nous installons et nous remettons de la crème solaire. Dès que la barquette est pleine, un guide largue les amarres et entame une visite guidée. Nous sommes les bienvenus à bord de la croisière sur le Nil, etc.

Malgré les trop nombreux et trop stupides touristes (oh ! une mouche, je la prends en photo ; et puis une photo de la branche, une autre de l'eau…), on passe un moment inoubliable. Nous sommes carrément en train de voguer au milieu de l'habitat naturel des crocodiles.

Les gros reptiles lézardent au soleil brûlant et font mine d'ignorer ces goûters vivants que nous sommes. Le guide prend soin de ne pas trop nous approcher, car c'est toujours l'heure du goûter !

Ce n'est pas le fait de voir des crocodiles qui impressionne, mais le fait de réaliser qu'on est chez eux, en pleine nature sauvage. Je prends des photos tant des bébêtes que du paysage, très marécageux…

Car il n'y a pas que les crocos, dans le décor. Les palmiers aquatiques, les fleurs géantes, les oiseaux blancs, les eaux vaseuses participent au tableau. C'est tout simplement beau et plaisant. De plus, la chaleur est au rendez-vous, tout baigne dans l'huile…

Le petit tour dure tout de même trois bons quarts d'heure, ce qui laisse le temps d'apprécier. Nous atteignons le rivage, puis gagnons tranquillement le ponton. On discute un peu avec notre sympathique guide en attendant les derniers.

Quelques instants plus tard, nous sommes on the road again vers là où nous avons déjeuné, chez les aigles…

Lorsque le soleil décline, nous sommes déposés devant un camp du même genre que celui que nous avons fréquenté dans le Centre Rouge…et dire qu'il y en a qui se retapent ça pendant qu'on sera dans notre superbe suite ! Les Hollandais qui nous ont suivis jusqu'à Darwin, par exemple : ils se tapaient trois jours de camping dans Kakadu, à leur grand regret ! Une partie du groupe descend du minibus et rejoint le camp. Allez, vite ! Vaisselle, couvert, inconfort et douches dégueulasses ! L'autre partie, dont nous sommes, reste dans le car. Notre guide nous dit au revoir et cède la place à un de ses collègues, qu'il relève dans le camp.

Le collègue en question, qui ressemble à Sting en brun, pue la sueur à des mètres ! Et on est assis juste derrière lui ! Il nous dit bonjour et démarre sans plus attendre.

Nous ne faisons que quelques kilomètres avant qu'il nous arrête devant le fameux hôtel en forme de crocodile que nous avions aperçu en cours de journée. Nous sommes invités à descendre car nous ne partirons que dans 30 minutes environ, le temps qu'il rassemble le lot de voyageurs que nous sommes en fait venus récupérer.

Nous mettons à profit ce temps libre pour visiter l'hôtel. En fait, c'est un Mercure très spécial. Si l'extérieur fait rigolo, l'intérieur fait très chic, style colonial. Des crocos empaillés, des fusils de chasse aux murs, des boiseries un peu partout et surtout la climatisation font de l'endroit un lieu reposant et classe. Et dire que nous sommes à des centaines de kilomètres de la moindre ville !

Nous déambulons dans la gigantesque réception. J'en profite pour transformer un chèque de voyage en quelques coupures australiennes. Elles sont jolies, colorées et transparentes par endroits. Le compromis entre colonial et moderne, à l'image du pays.

Quand c'est l'heure, nous repartons dans l'autre sens que ce matin, à ceci près que nous ne sommes qu'à 50 kilomètres de l'entrée du parc et non plus à 170…Mais il y a tout de même de longues heures de route ensuite. Écroulés de fatigue par tant de trajet, nous ne tardons pas à somnoler, bercés par le car.

Nous nous réveillons lorsque ce dernier s'arrête à la même station que le matin. Cette fois-ci, c'est pour manger. Miam miam ! On va se taper un bon ragoût de kangourou ! C'est un peu la cohue car d'autres de cars de touristes nous précèdent. Il faut donc faire la queue pour commander, puis la queue pour payer. Ils doivent en ramasser, du fric, avec ce flot incessant de cars qui va et vient du parc...

Une fois servis, nous trouvons une place tranquille sur une table collective où d'autres membres du groupe sont déjà assis.

Je suis déçu par mon kangourou : il est bouilli et recouvert d'une abominable sauce sucrée genre caramel…Quel gâchis ! Une viande si tendre, si fine, accompagnée de grosse frites maison et d'un verre de vin rouge frais comme il faut…Ça m'irriterait presque, leur manque de goût ! Au début, c'est rigolo…mais à force, ça lasse...

Le soleil émet une faible lueur lorsque nous regagnons une fois de plus le car pour la dernière étape.  On en a plein le dos lorsqu'enfin nous atteignons la banlieue de Darwin. Il fait alors carrément nuit.

Mais ce n'est pas fini : il faut faire le tour des hôtels, car notre car se transforme en navette. C'est pratique, mais ça rallonge la sauce. On est bien sûr dans les derniers déposés, après avoir sillonné les rues de la ville. On remarque que notre hôtel fait partie des plus cossus, quand même…

Avant d'aller dormir, nous faisons un petit tour le long du front de mer, de nuit. Le bruit des vagues nous fait du bien…nous en profitons silencieusement. On décide de rentrer, ce que nous faisons en traversant juste la rue.

Notre chambre bien fraîche nous attend. Je demande un wake-up call pour 4 heures du matin, car notre avion de demain décolle à 6 heures…ce ne sera pas encore la grasse matinée !

On peste contre ces maudits plans de vol, mais on se console en pensant à toutes les grasses matinées et toutes les grasses après-midi qu'on se fera sur le sable, sous les cocotiers du Queensland…

 

Vendredi 16

La nuit fut courte, pour ne pas dire interrompue. Mon Dieu ! qu'a-t-on fait pour mériter ça ? Hagards, on est une demi-heure plus tard dans le hall de l'hôtel, bagages en main.

Le température est encore de 25°C, c'est très agréable. Je remplis les formalités de départ, récupère ma caution de 100 dollars et on attend la navette qui nous mènera à l'aéroport.

Nous sommes assis à attendre, ce qui a tendance à nous endormir…ce n'est pas trop le moment, car il s'agit de ne pas se louper pour l'avion. Un peu avant 5 heures, la navette arrive. Nos bagages en soute, nous prenons place devant car nous avons toutes les places à notre choix. Et là, nous entamons une fois de plus l'interminable tournée des hôtels. On n'a pas de chance, car on est les derniers déposés et les premiers récupérés. C'est à cause de ça qu'on a dû se lever si tôt !

En plus, on se demande si on va l'avoir, cet avion, car l'heure du décollage approche ! Et on est même pas à l'aéroport...Comble de tout, on se tape un méga détour pour des personnes qui ne sont même pas là ! Le chauffeur attend, nerveux, puis va voir. Il revient bredouille et se casse, fumasse. On ramasse d'autres personnes, puis il revient à ce même hôtel. Cette fois-ci, ils sont là...

Après presque une heure de tournée, nous arrivons à l'aéroport 10 minutes avant le décollage. On récupère nos bagages les derniers, puisqu'ils ont été rangés les premiers, et on arrive les derniers dans la queue qui mène au guichet d'enregistrement. Là, je suis carrément inquiet : on ne va jamais y arriver, puisqu'il y a une demi-heure de queue et que le décollage est imminent, comme le signalent les écrans. Comment va-t-on faire ? Ce qui me nous rassure, c'est qu'on n'est pas les seuls dans ce cas et qu'en général, ils attendent un peu les retardataires. Mais tout de même !

Au bout d'un moment, une annonce au micro demande aux passagers pour Cairns de se présenter à des guichets ouverts spécialement. On se rue vers le premier qui se trouve à notre portée. C'est un de ces bordels !

Le steward enregistre très calmement nos bagages et nous indique qu'il faut monter à l'étage pour accéder à l'appareil. On y court presque et on finit par trouver, à l'autre bout de l'aéroport. Nous sommes dans les derniers, tandis que les écrans clignotent de partout ! On nous guide en souriant vers les deux places qui nous attendent, alors que tout le monde nous regarde d'un air vaguement mécontent…comme hier, quoi ! Décidément, j'aurai de quoi remercier notre agence de voyage pour leur remarquable amateurisme...

Installés, nous poussons un immense soupir de soulagement, essoufflés par tant de stress et de course. En fait, l'appareil ne décolle pas de suite, car d'autres que nous se font attendre. Ils arrivent après un bon quart d'heure et semblent avoir eu des problèmes de billets.

Avec 20 minutes de retard, l'avion commence à bouger tandis que les hôtesses entament la démonstration des consignes de sécurité. Comme pour les autres vols intérieurs, celui-ci est sans histoire et le service est impeccable. Ce qui est étonnant, avec la Qantas, c'est sa stratégie commerciale : ils sont très bons sur les vols intérieurs alors qu'ils en ont le quasi-monopole depuis que son unique concurrent sérieux a fait faillite. Seuls, des vols très ciblés comme le Sydney-Melbourne sont concurrencés par Virgin, par exemple. Par contre, ils sont mauvais sur les vols internationaux alors qu'ils ont de très sérieux concurrents en nombre : Singapore Airlines, American Airlines, Cathay Pacific, British Airways et bien d'autres en provenance des Emirats notamment. Bizarre.

Nous survolons Kakadu pendant notre petit déjeuner. Le soleil levant jette une lumière oblique sur les Crocodile Rivers, dont le tracé est net.

Le temps ne semble pas au beau fixe, ce matin. Plus nous approchons des côtes du Queensland, plus les nuages s'épaississent. On verra sur la côte quand on y sera...

Notre petit dodo est bientôt interrompu par les recommandations des hôtesses avant l'atterrissage. Le hublot annonce une mauvaise nouvelle : le ciel de Cairns est gris plomb et semble humide, de surcroît…On a de la veine, décidément. L'appareil se pose en douceur sur la piste mouillée…Il ne manquerait plus que les températures soient fraîches !

Une fois dehors, nous constatons que le climat est doux et qu'il y a des palmiers partout. Ca fait tropical, quand même ! Nous récupérons nos bagages et attendons, conformément aux instructions qui figurent sur notre carnet de voyage.

L'aéroport de Cairns est de taille modeste mais très actif. D'ailleurs, la simplicité des formalités accélère les embarquements et débarquements. Nous sommes très certainement à un terminal réservé aux vols intérieurs. Les Australiens prennent visiblement souvent l'avion, compte tenu du nombre de vols programmés. C'est logique, vu les distances du pays. Il est clair que le Sydneysider qui veut passer un week-end ici a plutôt intérêt à prendre l'avion que la route côtière, qui doit mesurer dans les 2.500 bornes...

Malgré une demi-heure d'attente et un défilé incessant de navettes vers les hôtels de la région, personne n'est encore venu nous récupérer. Je passe alors au plan B indiqué dans notre carnet : appeler l'hôtel pour déclencher le processus qui aurait dû fonctionner tout seul…Un grand tableau indique les numéros à appeler.

Bien sûr, je me goure deux ou trois fois avant de tomber sur le bon. D'un ton moyennement aimable, on m'indique qu'un véhicule va être dépêché. En fait, il n'y avait aucune chance qu'on vienne nous chercher, puisqu'ils attendaient qu'on les appelle !

Dix minutes après, un homme et une femme dans la quarantaine s'approchent de nous et nous demandent aimablement de les suivre jusqu'à un 4x4 rien que pour nous. On y jette nos bagages et prenons place et c'est parti pour l'hôtel. Malgré son terrible accent auquel nous ne nous habituons décidément pas, on discute un peu tout en traversant les faubourgs de Cairns.

On lui fait part de notre désagréable surprise quant au temps. Il nous regarde d'un air un peu moqueur et nous annonce que c'est l'hiver. Peut être, mais on est sous les tropiques, tout de même ! Nous traversons quelques faubourgs qui ressembleraient à ce qu'on voit de Hawaï dans les séries télé, mais en plus bordélique : des grandes villas en planches blanches bordées de palmiers bas, bougainvillées et gros 4x4.

Sous le temps gris, notre chauffeur nous dépose devant le hall de notre premier hôtel, dans lequel nous allons passer deux nuits. Ça a l'air bien tenu, mais une certaine agitation règne : c'est un vrai hall de gare, avec des boutiques, des restos et au milieu de tout ça, un gigantesque comptoir peuplé d'une armée de guichetières, grooms et autres servantes. De-ci, de-là, des piles de draps s'entassent.

On s'approche du comptoir et sommes rapidement pris en charge par une hôtesse souriante. On a réservé une chambre de catégorie supérieure. Peu de temps après, un groom nous invite à le suivre. Nous découvrons alors un décor superbe : la grande salle de restaurant, où nous prendrons nos petits déjeuners si nous le souhaitons. Elle est décorée de nombreux aquariums et bordée de plantes tropicales.

Juste en face, une magnifique piscine se cache dans une forêt de palmiers desquels émerge au fond un bar garni de tables et chaises en rotin. Nous longeons les dizaines de chambres de catégorie normale. Elles sont correctes, mais plutôt bruyantes à cause du passage incessant de gosses. Partout, du personnel est affairé à maintenir l'endroit irréprochable. Nous changeons bientôt de zone en franchissant un tourniquet qui interdit aux enfants l'accès à une deuxième piscine.

Celle-ci est bien plus au calme et comporte un water-bar. On est déjà plus en retrait. Notre guide nous annonce que nous sommes dans les catégories supérieures, ainsi nommées car elles sont plus au calme. Sil est peu pratique d'être loin des services que peut offrir l'hôtel, en revanche, l'endroit est magnifique.

Les chambres sont agencées comme faisant partie d'un domaine colonial, littéralement envahi par la flore tropicale. Les cris des enfants et des passants ont cédé la place au silence que seuls des cris d'animaux ou d'insectes non identifiés viennent perturber. Nos bagages ont été chargés sur une remorque qui a fait le tour du domaine pendant qu'on rejoignait notre chambre.

Enchantés par l'endroit, nous décidons, après avoir lâché le pourboire au groom qui nous a monté nos valises, de nous laisser crever sur l'immense lit qui trône au milieu de la chambre. Cette dernière est décorée comme une case tropicale qui disposerait des derniers raffinements de la modernité : air conditionné, télévision, volets coulissants, etc.

Un peu perdus par le décalage horaire et l'heure matinale de notre réveil, nous nous endormons.

Je me lève quelques dizaines de minutes plus tard, tandis que Domi joue les prolongations. Je ne peux pas faire trop de bruit, alors je m'enferme dans la salle de bains pour me faire une méga douche. Bien après, Domi émarge lentement.  Nous ne savons pas quelle heure il est, et le temps est gris. Nous n'avons rien de spécial à faire si ce n'est d'aller bouffer et nous renseigner sur comment aller faire un tour sur la Grande Barrière de Corail. Et puis découvrir Cairns, tant qu'à faire !

Mais il est vrai que nous arrivons à un moment du voyage où nous sommes moins téméraires, plus intéressés par du farniente. Nous ne sommes donc pas trop pressés de visiter. On aura bien le temps. Cool, quoi ! C'est donc la faim qui nous pousse hors de l'hôtel. Nous partons à pied, à l'aventure. Il doit bien avoir quelque chose d'ouvert à bouffer, dans le coin.

Nous déambulons quelques instants au milieu de grandes avenues et de carrefours avant de trouver des rues tranquilles. C'est une journée d'hiver et de travail comme les autres, pour les autochtones, à en juger par la circulation des bus, camions et autres motos…

De grands magasins de fringues, pompes, surgelés sont ouverts, comme dans toutes les zones commerciales du monde…Rien de bien passionnant, quoi ! Dans une rue calme, nous tombons sur un resto tout en bois, décoré comme un saloon, mais un saloon où Crocodile Dundee aurait accroché le fruit de sa chasse aux murs. Il n'y a pas grand monde et nous commandons, en plein milieu de l'après-midi, de quoi nous rassasier.

Domi commande une salade au poulet et je prends des grillades accompagnées de frites. On s'installe dans un coin près d'une fenêtre et attendons nos plats en discutant de notre déception météorologique.

Lorsque les plats arrivent, on comprend pourquoi c'était un peu cher : deux montagnes de bouffe sont posées sur notre petite table. Contents, on s'empiffre joyeusement tout en tchatchant…

Quand nous sommes repus, nous nous levons pour aller à la découverte de Cairns et de ses escapades sur la Grande Barrière. Nous traversons un dédale de rues sans intérêt, nous longeons un gros hôpital puis débouchons sur une grande avenue très passante. Elle est bordée de maisons pas très belles, de bureaux et petits magasins et notamment de snacks un peu crados. Avec des câbles électriques dans tous les sens et des feux à tous les carrefours, on peut dire que c'est vilain. On descend cette longue avenue qui semble nous amener vers le centre-ville.

A un moment, sur notre gauche, s'élève une gigantesque statue de James Cook, levant son bras droit à l'horizontal, comme les Romains.

Et puis nous atteignons enfin le front de mer. Et là, c'est la déception totale ! C'est moche, tout simplement. Et le temps gris n'en est pas responsable. Le sable est sale, la mer est grise et opaque. Un petit port abrite quelques bateaux dont une espèce de pétrolier tout rouillé…On dirait un port abandonné, perdu dans le triangle des Bermudes. Dégoûtés, on prend des photos pour montrer à quel point Cairns et une ville laide !

Alors on pénètre dans le petit centre, animé par des boutiques et plus particulièrement des tour-operators spécialisés dans l'excursion sur la Barrière. A en juger par leur nombre et la variété de leur offre, il semble que Cairns en vive largement, pour ne pas dire exclusivement.

On entre dans une de ces boutiques. Un mur est totalement tapissé de brochures aux couleurs criardes. Il y en a pour tout le monde : ça va de la simple excursion en voilier d'une heure à la semaine complète de plongée sur la Barrière extérieure. Car c'est à cette occasion que nous apprenons un peu de géographie au sujet de cette fameuse Grande Barrière de Corail.

En fait, elle mesure 2.200 kilomètres de long sur 150 kilomètres de large. Il est donc impossible d'avoir ne serait-ce qu'un aperçu global en y allant une journée ou deux. Ensuite, il est fait une distinction entre la Barrière intérieure, c'est à dire la plus proche des côtes et la Barrière extérieure, c'est à dire en prise directe avec le large pacifique. La distance entre les deux est d'environ 40 kilomètres de bateau, ce qui place la Barrière extérieure à 70 kilomètres des côtes.

Outre la distance, les paysages ne sont pas les mêmes. L'extérieure est plus sauvage, plus maritime et plus ensoleillée que l'intérieure, trop fréquentée par les touristes et soumise au même climat que la côte. Bien sûr, les tarifs sont en conséquence : une balade sur l'extérieure est au moins deux fois plus chère que sur l'intérieure. Mais nous ne sommes pas venus jusqu'ici pour mégoter et ces profiteurs de commerçants le savent bien !

Nous allons ainsi dans plusieurs boutiques afin de comparer les offres. Dans l'une d'entre elles, nous sommes accueillis par un de ces nombreux Français venus s'installer aux antipodes. Il nous parle donc dans notre langue, avec une pointe d'accent british. Et il complète notre formation en géographie locale tout en nous renseignant sur les prix. Malgré ses précieux renseignements, car nous ne savions pas exactement que visiter sur une aussi vaste étendue, nous ne signons pas chez lui. Nous sommes persuadés de trouver moins cher ailleurs. Aussi, nous reprenons notre petit tour de ville, le nez au vent.

Il y a un petit centre administratif qui vit du tourisme et un peu de la pêche. Une petite galerie marchande offre quelques boutiques, mais nous ne nous attardons pas car c'est bondé et nous en avons marre. Nous préférons rentrer à l'hôtel profiter de la piscine tant qu'il fait jour. Pour le retour, nous empruntons une ligne de ces bus jaunes qui sillonnent la ville. Nous faisons partie des privilégiés qui disposent d'une place assise.

Le trajet est assez court, car Cairns est en fait petit. Nous l'avons traversé de part en part à pied, en fait. De retour à notre hôtel, nous allons jeter un œil à l'agence de voyage qui se situe dans le vaste hall.

C'est bondé, alors nous nous dirigeons vers les nombreuses brochures rangées dans une structure verticale. Nous retrouvons à peu près les mêmes produits qu'en ville, avec quelques-uns un peu mieux. Du coup, on étudie ça de beaucoup plus près. On va peut-être réserver ici, finalement. Ce n'est pas ce qu'on avait envisagé, mais puisque les tarifs et les offres sont les mêmes qu'en ville, pourquoi se fatiguer ? D'autant qu'une navette vient systématiquement récupérer les occupants de l'hôtel, gratuitement. Et puis nous avons assez peu de temps à Cairns même, il ne faut donc pas trop tarder. C'est décidé, nous optons pour une virée sur la barrière extérieure, avec un superbe bateau. C'est cher, mais les équipages sont réduits et les lieux visités sont trop éloignés pour être envahis. La tranquillité, c'est notre credo !

Nous faisons donc la queue un bon moment pour réserver. Enfin, une hôtesse s'occupe de nous. Elle passe quelques coups de fil, mais nous annonce d'un air désolé que tout est complet…C'était pourtant cher ! En bonne commerciale, elle nous propose aussitôt un autre tour operator auquel nous n'aurions jamais pensé en effet, c'est une boîte spécialisée dans la plongée sous-marine. Mais en fait, elle accepte sans problème ceux qui veulent simplement faire du masque et tuba. Pourquoi pas ? En un regard, notre décision est prise. Un coup de fil, quelques travelers et c'est réglé ! Départ demain matin 7:00 AM devant l'hôtel.

Contents, nous nous dirigeons vers notre superbe chambre coloniale tout en traversant le parc tropical.

Une agréable surprise nous attend sur notre table : une bouteille de champagne australien et un petit mot nous souhaitant un agréable séjour… Nous nous empressons d'enfiler nos maillots de bain et allons vers la piscine tranquille, c'est à dire celle du water-bar. C'est désert, on plonge. Brrr ! Comme c'est agréable un bon bain frais ! Le mauvais temps, les déceptions, la fatigue, tout disparaît d'un coup !

Nous faisons quelques brasses sous l'œil amusé et surpris des quelques passants. C'est qu'il fait gris, que le soleil se couche et que l'eau est bien fraîche, tout de même ! Domi plonge dans sa serviette assez rapidement tandis que je profite à fond de ce moment de bonheur.

Quand d'autres baigneurs arrivent, encouragés par notre présence, je sors. Nous nous séchons brièvement avant de rejoindre nos pénates. Après une douche prolongée, nous nous installons confortablement à notre terrasse isolée de tout bruit et nous tapons un super apéro à base de ce qui nous a été offert. C'est un moment que nous n'oublierons pas.

Nous avons tout le loisir de discuter de ce périple qui n'est pas encore fini, mais dont nous avons déjà fait plus de la moitié. On en vient à dire que ce n'est pas ce à quoi on s'attendait, mais que malgré des désagréments climatiques, nous sommes ravis. C'est une vraie découverte, qu'on appréciera surtout avec du recul. La belle Sydney et ses montagnes bleues, la froid Centre rouge et ses Aborigènes distants, le chaud Nord et son Kakadu vert et démesuré et Cairns, petit port tropical un peu crado, près du bleu Pacifique…

Tout ça mérite une certaine digestion. Pour l'heure, on cherche la perfection, un peu naïvement. Mais une fois de retour, une fois les finances revenues à un niveau correct, une fois oubliées les petites contrariétés, une fois que le temps aura patiné la réalité pour ne laisser à notre mémoire que les bons côtés, alors nous apprécierons pleinement ce voyage.

Domi goûte du bout des lèvres le pétillant d'Australie Méridionale. Ce vin est à la hauteur de la gastronomie locale : médiocre. Sucré, animé de grosse bulles façon Perrier, au goût de muscat, c'est tout sauf un vin fin. Mais son côté gratuit et fortuit le rend bien agréable ! Après ce long apéritif, nous sortons pour manger un morceau dans un des restos du complexe. Nous optons pour celui de la piscine centrale.

A l'heure où nous arrivons, il y a foule. Les tables en rotin sont gavées de buveurs de bière bruyants, tandis que le snack joue les boulangeries russes. Nous patientons un bon moment, ce qui nous donne le temps de réfléchir à ce que nous allons prendre.

Domi opte pour des pâtes. Pour ma part, je choisis un plat qui m'a l'air excellent : un seafood-basket. C'est un mélange de barramundi pané, de crevettes sautées et de frites…

Ce seafood basket restera dans les annales : excellent est le seul adjectif qui convient. C'est très gras, mais dieu que c'est bon ! Les croquettes de barramundi sont fines et fraîches. C'est un excellent poisson à la chair blanche, moelleuse, sans goût prononcé, si ce n'est celui des vastes étendues du Pacifique.

 

 

Samedi 17

 

Comme toujours, notre réveil est tôt : il faut être à 7h00 devant l'hôtel pour la balade en mer. Encore ensommeillés, nous nous traînons vers la salle de petit déjeuner après une rapide douche. L'hôtel est déjà en effervescence : ils sont lève-tôt, ici !

La grande salle de restauration est très classe : le style y est très colonial, so british ! Des buffets bien garnis nous attendent, mais une caissière pas très aimable nous barre la route : il faut payer avant de consommer, comme partout en Australie. Ils sont conscients qu'il est dans leur intérêt de ne pas trop attendre de la satisfaction du client en matière gastronomique, alors mieux vaut qu'il avant. C'est aussi sans doute une des raisons pour lesquelles le pourboire est très peu usité ici, à l'inverse de la plupart des pays anglo-saxons. Nous nous acquittons donc d'une somme élevée pour le small breakfast, puisque le big épongerait nos finances du jour.

Mais on n'est pas trop déçus pour autant : nous nous servons copieusement des mets que notre tarif nous autorise et même, en douce, quelques morceaux interdits. Domi nous trouve une table en terrasse, à l'écart de la foule. Comme deux riches Anglais, nous prenons le thé, toasts et autres cookies tranquillement, avec vue sur verdure tropicale et piscine. Ce sont ces moments de calme qui font les grands souvenirs…

Nous allons récupérer nos affaires dans notre chambre et allons attendre la navette dans le hall. Nous sommes loin d'être les seuls à la prendre, visiblement. Mais il y a de tout : ceux qui vont en ville, ceux qui vont vers d'autres villes côtières, ceux qui vont sur la Barrière avec Dieu sait quel prestataire, etc.

Enfin, lorsque le car est bondé, nous démarrons. En quelques petites minutes, nous sommes au port de plaisance, qui est finalement plutôt grand. Malheureusement, le temps n'est pas beau, il fait encore gris. Mais on nous a assurés que ça se découvrirait dès qu'on aura passé la Barrière intérieure. Mouais...

Nous sommes les premiers accueillis par un petit équipage devant ce qui sera notre véhicule du jour : une vedette rapide pouvant contenir une vingtaine de passagers. Nous avons le droit d'embarquer, de poser nos sacs dans la cabine et si nous le souhaitons, de prendre un café ou un thé, ce que nous refusons poliment. Et puis nous attendons que les autres passagers arrivent, pendant une petite heure que nous aurions volontiers passée au lit ce matin vers les 8 heures...Pourquoi faut-il qu'on soit toujours les plus malchanceux ?

Enfin, lorsque tout le monde est là, les amarres sont larguées tandis que le ronronnement des moteurs se réveille. Nous sommes au milieu de gens qui manifestement se sentent sportifs dans l'âme, ce qui crée une atmosphère très frime qui nous met mal à l'aise. Seul un Français et ses filles semblent sympas. Il ressemble à Marc Jolivet et discute avec tout le monde dans un Anglais qui nous a permis de reconnaître immédiatement sa nationalité.

En peu de temps, notre embarcation s'éloigne des rives de Cairns en laissant derrière elle une épaisse écume qu'elle brasse sans ménagement. Le soleil se lève, mais pas les nuages. Cependant, il fait plutôt bon, ce qui est une petite consolation.

Nous dépassons à toute vitesse des voiliers ou d'autres bateaux offerts pour des balades moins chères. Ceux-là n'auront jamais le temps d'aller sur la barrière extérieure…

Nous entrons bientôt dans les eaux du large, tandis que le roulis et le tangage deviennent plus sensibles. La mer est plus bleue, le vent plus fort et les embruns nous fouettent le visage. C'est très enivrant, nous avons le sentiment d'être les Rois du Monde !

Au fur et à mesure que nous nous enfonçons vers le large, le voile des nuages se fait plus fin, pour ne bientôt persister que par endroits, les rayons de Râ finissant vainqueurs…

Le voyage est long et bientôt, Marc Jolivet vient vers nous et entame la conversation. Il est fana de plongée et est venu en Australie spécialement pour y décrocher un diplôme. En fait, il veut frimer avec un joli tampon du club local sur son carnet…Il nous raconte un peu sa vie, ses filles, son voyage, etc. En échange, on lâche quelques informations sur nous, au cas où ça l'intéresse, ce qui semble le cas…C'est un type qui aime discuter, voilà tout.

Enfin, après un parcours de 70 kilomètres, alors que nous sommes en plein Pacifique, la navette ralentit, ce qui provoque l'arrêt immédiat du tangage. Tout le monte se rue sur le pont : les profondeurs d'un bleu intense laissent affleurer presque au niveau de la surface des coraux. Résultat : de larges bandes d'un vert bouteille très agréable lézardent l'océan.

Dommage que le temps ne soit pas au beau fixe, ça aurait fait pleinement ressortir les couleurs…Mais on retrouve quelques autres bateaux chargés de touristes, de-ci, de-là. Ça gâche un peu le paysage et c'est pas vraiment conforme à ce qu'on nous a vendu…Mais que peut-on y faire ? On ne va ni aller au tribunal, ni leur casser la gueule ! Alors on enfile notre combinaison, notre masque, notre tuba et on plonge.

Nous, on n'est pas venu pour sillonner le fond, mais plutôt la surface. L'eau est tiède, sans plus, à environ 23°C. Étant au large, on a pas à se plaindre ! Mais on ne pourra pas tenir des heures.

Le spectacle est au rendez-vous : au milieu des coraux, des centaines de poissons tropicaux louvoient sans sembler s'émouvoir de notre présence. Le soleil est sous la mer : du jaune, du rouge, du vert, du bleu, tout est vif et criard…Et puis nous pouvons nager dans un rayon assez large, sous la surveillance de l'équipage.

De tous nos petits copains, nous sommes les deux seuls à ne pas faire de plongée. Pour une fois, j'ai pensé à amener un appareil photo sous-marin, alors je ne me prive pas ! On tourne, on nage, on vire pendant une bonne heure, puis remontons à bord car on commence à avoir froid. De toute façon, nous aurons le droit de plonger à nouveau plus tard dans la journée. Nous sommes les premiers à regagner le pont, contents de notre exploration sous-marine.

Tandis que nous ôtons notre combinaison, les plongeurs arrivent par petits paquets. Tout le monde semble enchanté par son périple. Nous, on préfère largement le snorkling, puisqu'il n'y a pas besoin de cours et on ne risque pas grand-chose : pas de paliers de décompression, pas de risque de fuite d'oxygène, etc.

Le Français et ses deux filles ont des opinions opposées sur leur expérience au fond de l'eau. Si le père est ravi, les deux autres et surtout la plus petite, sont terrorisées à l'idée d'y retourner…Apparemment, ça ne correspondait pas du tout à ce qu'elle avaient imaginé.

On a droit à un repas, bien maigre par rapport aux dépenses de calories du matin. Nous mangeons sur le pouce, assis comme on peut dans un coin de la cabine.  Au menu, des espèces de salades au curry qu'on mange sur du pain brioché sans fourchette ni cuillère. Après, quelques tranches d'une viande non identifiée dont on pourrait penser que la date de péremption remonte à plusieurs mois, le tout arrosé d'une flotte goût Javel…Alors qu'il y a des millions de poissons autour de nous qui ne demandent pas mieux d'atterrir dans notre délicat estomac ! La vie est mal faite, par moments.

Seule consolation, le dessert : un donut bien huileux roulé dans des vermicelles au chocolat de toutes les couleurs. Domi a un air de dégoût rien que de les voir !

En plus, l'ambiance est exécrable : personne ne parle, tout le monde se bouscule pour accéder au buffet, un vrai repas entre amis, quoi ! D'ailleurs, on ne peut pas dire que les membres de l'équipage se démènent pour souder le groupe : c'est du genre "j'ai tourné dans Alerte à Malibu, petit, alors écrase et regarde le champion comme il fait bien l'air détaché…" Mais on s'en fout, on n'est pas là pour jouer la croisière s'amuse : on est là pour plonger et admirer le paysage. D'ailleurs, on remonte sur le pont tandis que le pilote remet les gaz vers notre deuxième point de chute.

Finalement, le soleil se lève un peu. Nous sommes bien, le nez au vent, silencieux. Le Français est occupé à parler avec un autre mec seul : il ne peut pas rester en place, celui-là ! Le trajet dure une bonne heure. On ignore dans quelle direction nous nous dirigeons : vers le sud, semble-t-il…

Le ralentissement de la vedette annonce l'imminence de notre deuxième grand bain. Avec ce que nous avons mangé, il n'y a pas de risque d'hydrocution digestive ! Tout le monde se précipite vers sa tenue, alors il y a un engorgement entre le pont supérieur où nous sommes et le pont inférieur.

Nous ne sommes pas pressés, nous sommes en vacances, alors on attend que tous ces gogos soient dans l'eau pour nous habiller tranquillement. Finalement, nous accédons enfin au pont inférieur. Et là, surprise, ma tenue de taille 4 est devenue une taille 6. Super, la mentalité ! Derrière moi, un gros est en train de s'engoncer tant bien que mal dans une tenue bien trop petite pour lui. Ce n'est donc qu'une erreur ! Comme je vais vite en jugement négatif à l'égard de mon prochain ! J'ai presque des regrets d'avoir réagi intérieurement de la sorte…

Je vais donc poliment vers le gros lui indiquer qu'il a dû confondre sa tenue avec la mienne. Il prend un air vexé et me regarde méchamment en baragouinant quelque chose du style "t'as qu'à dire que je suis plus gros que toi, tant que t'y es !" dans un anglais local infecte. Je fais celui qui ne comprend pas, surpris par sa stupide réaction. Il reste me regarder, ahuri. Ben oui, Ducon, tout le monde ne parle pas couramment anglais, surtout quand il est si mal prononcé ! Et là, un des connards de l'équipage prend sa défense et me traduit, en ricanant, la réponse du gros :"…No !" Et le gros de ricaner à son tour, tout en se dirigeant vers l'eau. Merci, j'avais pas compris qu'il n'était pas d'accord !

Ma réaction primaire, spontanée aurait été de me ruer sur ce gros lard et de lui exploser le bide à coups de pieds et de poings. Après, j'aurais sauté sur le connard qui l'a soutenu et lui aurais passé l'envie de me prendre pour encore plus abruti que le gros.

Heureusement, une petite voix intérieure m'a rappelé à la raison et m'a dit : "pense qu'ils sont deux dont un lourd et l'autre sportif et que tu n'as rien à gagner à te faire au mieux temporairement respecter par des abrutis…" J'ai donc laissé tomber, à contre-cœur… Par contre, s'ils en profitent pour ricaner encore plus, je ne pourrai pas me contrôler…Mais rien d'autre ne se passe. J'enfile ma tenue trop grande sous l'œil amusé de Domi, ce qui me détend un peu.

Et puis nous plongeons. Je prends des photos par dizaines…Ça fera des beaux souvenirs pour plus tard…

Ici, il y a moins de bateaux, alors c'est plus sauvage. Le soleil est au maximum de ce qu'il peut aujourd'hui, c'est à dire plutôt voilé, ce qui nous prive du spectacle du bleu lagon de l'endroit. Sans relâche, nous nageons la tête sous l'eau. A un moment, nous avons même le privilège de voir une tortue de mer nager à quelques mètres de nous !

Ébahis, nous l'admirons quelques instants nager avec grâce et lenteur. C'est magnifique !

Et puis après un long moment, on remonte sur le bateau, las de tant en avoir profité.

J'ôte ma tenue trop grande, me sèche et rejoins Domi sur un banc. On commente largement notre journée tandis que les plongeurs reviennent par petits groupes. Le gros enlève sa taille 4 sous nos regards moqueurs. Il fait comme s'il ne voyait rien, ce gros porc…

Et puis c'est déjà l'heure du retour. Rapidement, le bateau reprend de la vitesse et fend les ondes tandis que nous subissons de plein fouet les embruns.

Nous tombons d'accord pour dire que si c'était très beau, ce n'est pas le plus bel endroit qu'il nous ait été donné de sillonner en masque et tuba. Le soleil n'était pas au rendez-vous, les poissons sont variés certes mais moins criards, le tourisme est industriel et surtout le récif corallien est très abîmé…la flore est très chétive et plutôt grise. Bref, nous ne reviendrons pas sur la Grande Barrière de Corail, même si c'était quand même pas mal.

A un moment donné, le bateau ralentit et tout le monde se rue au bastingage bâbord. Des baleines !

Elles sont deux ou trois et nous voyons leur queue s'enfoncer lentement dans la mer, après qu'elles ont lancé un geyser…C'est majestueux.

Pendant plusieurs minutes, nous jouons les Nicolas Hulot de poche, à observer silencieusement ce spectacle de la nature. En fait, ces baleines vivent dans les eaux antarctiques mais migrent l'hiver vers des latitudes plus tempérées. C'est alors qu'on prend conscience que l'Australie vit en symbiose avec le continent glacial. Nous sommes vraiment au bout du monde…

Dès qu'elles disparaissent, le bateau reprend sa vitesse de croisière vers Cairns.

Le port et les quelques petites montagnes qui l'entourent sont bientôt en vue. Le soleil est sur le déclin lorsque nous accostons. L'équipage nous fait une haie d'honneur et nous dit "bye, bye !" lorsque nous débarquons. Bandes d'hypocrites ! Un dernier regard narquois au gros porc et nous grimpons dans une navette pilotée par un Chinois et une femme.

Dès que le petit van de marque coréenne est plein, nous démarrons pour une traversée de la ville et une tournée de ses hôtels. En fait, la co-pilote ne connaît pas du tout la route, alors c'est dans un vaste éclat de rire que nous faisons la tournée. Chacun indique comme il peut la route qui mène à son hôtel…c'est plutôt sympathique !

Nous arrivons au nôtre lorsque le soleil est presque couché. Nous rentrons tranquillement dans notre chambre et nous douchons. Cette journée en pleine mer nous a abattus. Cela ne nous empêche pas de sortir au restaurant de l'hôtel. Nous nous installons devant le snack, face à la piscine.

Tandis que nous sirotons tranquillement un soda à notre table, des jeunes font la fête à quelques tables de nous. Ils y vont à grands pichets de bière et sont déjà bien joyeux ! Mais bien vite, la foule arrive en masse et une queue se forme devant le snack. Du coup, je prends la commande de Domi et vais attendre. Cette fois-ci, on se paie des trucs un peu meilleurs. On mange italien : un délice !

Mais après le dessert, nous sommes sincèrement hors service et décidons de libérer notre table, aussitôt prise d'assaut. Le retour à notre chambre est paisible et nous ne nous faisons pas prier pour rejoindre Morphée…

 

 

Dimanche 18

 

Aujourd'hui, nous faisons notre dernier transfert : de Cairns à Palm Cove.

C'est une station balnéaire située à une trentaine de kilomètres au nord de Cairns. Nous y serons transportés en taxi affrété par notre hôtel cinq étoiles, le Sibel Reef…

N'ayant donc pas d'avion à prendre, nous nous préparons tranquillement, pour une fois. Puis, une fois les valises bouclées, nous nous dirigeons vers la salle du petit déjeuner tandis qu'un groom charge nos bagages sur un chariot.

La grande salle connaît déjà la trépidation matinale des Aussies. C'est un peuple lève-tôt, qui planifie tout et qui est toujours en avance sur l'horaire, bref le contraire d'un peuple latin.

Nous avalons paisiblement des toasts nappés de miel, arrosés de thé et de jus d'orange. Pour une fois que nous ne sommes pas pressés, nous en profitons ! Puis, nous allons au comptoir régler nos dettes. Les petits-déjeuners et quelques coups de fil pour régler l'histoire du taxi avec notre bel hôtel sont soldés d'un coup de chèque de voyage.

Il ne nous faut pas attendre longtemps pour qu'un taxi s'arrête devant le hall de l'hôtel. Un grand type maigre à l'air sympa, proche de la cinquantaine, nous demande de confirmer nos noms. Cette formalité accomplie, il jette nos valises dans le coffre et nous invite à prendre place à l'arrière. C'est donc en couple princier que nous quittons l'hôtel populaire pour l'hôtel de classe !

Le trajet est en fait assez court, puisque nous ne faisons que sortir de Cairns, plus étendu que nous ne le pensions, puis empruntons une voie rapide qui file vers le nord le long de la côte. Le paysage se fait plus montagneux et tropical : des palmiers bordent des villas somptueuses encadrées d'immenses propriétés. Le trafic est dense, signe d'une activité économique dynamique entre Cairns et ses environs. La notion d'environs est plus large ici qu'en Europe, bien sûr, puisqu'il faut comprendre un rayon de 500 kilomètres pour le moins ! Même Paris n'a pas une aire d'influence directe aussi vaste.

Nous discutons avec le chauffeur du coin et de son climat. Il nous dit qu'il ne fait pas très beau en ce moment à cause de l'hiver. Mais que c'est tout de même un hiver supportable, surtout comparé à Melbourne, sa ville natale. Apparemment, beaucoup d'habitants du nord du pays sont originaires du sud, plus froid. C'est d'ailleurs étonnant que le sud de l'Australie soit si froid. En effet, Melbourne est à une latitude de 38° au sud de l'équateur et connaît apparemment un climat comparable à celui de Paris ou de Londres, toutes deux situées aux environs du 50ème parallèle nord. Pour comparer, Palerme est à 38° au nord de l'équateur et devrait logiquement avoir un climat comparable à Melbourne, s'il y avait une parfaite symétrie climatique entre les hémisphères terrestres. Visiblement, ce n'est pas le cas. Ici, à Cairns, nous sommes à 17° au sud de l'équateur, bien au-dessus du tropique du Capricorne (situé à 23° sud). A titre de comparaison, Dakar est sur le 17ème parallèle nord et son climat semble plus chaud en hiver qu'ici…Mais il ne faut pas oublier que l'Australie est une île. Une île de la taille d'un continent certes, mais alors du plus petit continent du monde, puisqu'il a la superficie de l'Europe sans la Russie. Le climat côtier y est donc plus océanique qu'ailleurs, d'où cette fraîcheur hivernale à de telles latitudes.

Nous quittons bientôt la route principale et tournons à droite, dans une rue résidentielle. Lentement, notre taxi longe quelques superbes villas bordées de végétation tropicale. Après 300 mètres, nous faisons face au front de mer, délicieusement ombragé de palmiers…

Le chauffeur cherche notre hôtel tandis que nous découvrons le paysage de Palm Cove. Ce n'est pas compliqué : c'est la rue dans laquelle nous sommes, qui donne directement sur la plage. De l'autre côté, s'enchaînent les hôtels et commerces. Le touriste de luxe est ici le bienvenu et ceci nous sied parfaitement !

Enfin, nous arrivons car notre véhicule s'immobilise.

Tandis que notre chauffeur descend nos bagages, nous pénétrons dans l'établissement luxueux qui va nous servir de gîte. Le climat a l'air doux, le coin a l'air calme et joli, nous allons enfin nous reposer, tels de simples Robinson Crusoë !

L'hôtel, quoique de construction récente, imite le style victorien : des façades blanches, un petit toit vert, des fenêtres coulissantes et un jardin à la pelouse ciselée. Le guichet d'accueil est discret et nous sommes reçus tout aussi discrètement. On nous informe que nous pourrons accéder à notre chambre dans un "couple d'heures".

On se regarde d'un coup d'œil entendu : on file à la plage !

Sitôt dit, sitôt fait ! Nous nous changeons dans les toilettes, laissons nos valises dans le hall et traversons la rue pour retrouver ce cher vieux Pacifique. Nous marchons un peu pour trouver une place qui soit à l'abri tant du soleil que des autres touristes.

Le côté gauche de la plage est surmonté d'une petite colline au bas de laquelle s'accroche une jetée bordée de petites embarcations. Après un moment, nous décidons d'aller nous baigner. L'eau est marron, dommage !

Enfin, nous envisageons de nous reposer ! On profite quelques instants du soleil de la plage…

Avant d'être attaqués par les traîtres rayons du soleil, nous rentrons à l'hôtel pour prendre possession de nos appartements. Nous récupérons nos bagages, qui n'ont pas bougé depuis qu'on les a posés là et faisons quelques minutes le pied de grue devant le comptoir d'accueil. On ne peut pas dire que le service d'accueil soit irréprochable ! Finalement, une hôtesse plutôt condescendante daigne nous demander de la suivre.

Nous traversons le bar, puis l'espace piscine-jacuzzi, avant de pénétrer dans un couloir qui dessert les chambres. On nous emmène vers une grille qui donne sur une terrasse. Domi et moi, on se jette un regard inquiet : merde ! Il va falloir cohabiter avec d'autres ! On commence à râler intérieurement, tandis que l'hôtesse ouvre le portail. Et là, la colère cède sa place à la joie sans transition : cette vaste terrasse avec des canapés, des tables, un coin cuisine, une baie vitrée, des arbres…est pour nous tous seuls !!!

On n'aurait pas osé rêver de tant : on rit de notre méprise…En plus, une bouteille de champagne australien nous attend sur la table basse de la chambre, coiffée d'un papillon de bienvenue. Ébahis, nous mettons quelques temps à réaliser le luxe dans lequel nous sommes. La salle de bains est gigantesque ; la chambre est vaste et donne sur notre terrasse ; nous avons la télé, un frigo, un coffre fort, etc. C'est tout simplement magnifique !

Affamés, nous décidons, pour fêter cela, de nous payer un bon restaurant. Nous retraversons donc le splendide jardin tropical agrémenté de piscines diverses et variées et nous n'allons pas bien loin, puisque le restau de l'hôtel semble tout à fait convenable, si on en juge au décor et au menu affiché. Nous prenons place à une table qui fait face à la plage. Le décor est très classe : nappes blanches de tissu épais, service de vaisselle haut de gamme, plusieurs verres, une touche de fantaisie artiste…un peu plus et on se croirait dans un grand restaurant français ! Et on ne croit pas si bien dire ! Le chef qui vient prendre notre commande nous parle en français, puisqu'il l'est !

Il a repéré notre nationalité en nous entendant. On bavarde un peu dans notre langue natale, à près de deux dizaines de milliers de kilomètres de la maison…C'est un gars du Sud Ouest, la bonne quarantaine, dont la moitié passée ici, d'où un léger accent British…Il a toujours travaillé dans la restauration et rêvait d'habiter le pays des kangourous. Maintenant, il est chef de cuisine et aime son métier. Et il a du mérite, car il essaye de faire bien manger ce peuple aux goûts si particuliers. Mais nous, en tous cas, on aime car ça nous change : comme quoi on peut bien manger dans ce pays !

Nous déjeunons donc tranquillement tandis qu'une petite brise vient nous caresser les mollets…c'est super agréable ! Il semble qu'une sieste sur la plage soit la suite logique de cet excellent repas, alors on ne se casse pas la tête à trouver une autre idée.

Nous lisons, dormons, nous baignons, le vrai bonheur comme sur les catalogues et les cartes postales.

En fin d'après-midi, las de tant de fainéantise, nous nous levons péniblement de notre serviette, le corps engourdi et la tête lourde et nous nous traînons dans notre chambre. Tranquillement, nous prenons une douche et envisageons un petit tour dans les quelques rues de Palm Cove.

C'est très calme, il n'y a qu'une rue principale, bordée de pavillons comme on en voit dans les feuilletons hawaïens et parsemée d'hôtels haut de gamme. Un minuscule centre commercial dépanne les éventuels routards d'une boîte de conserve et d'infâme pain tout mou…Et puis il y a tout de même un bureau de poste, preuve que l'administration australienne est partout. Nous décidons d'y acheter quelques timbres, puis allons au bistrot d'en face siroter un rafraîchissement.

C'est un bar très "aussie", rien ne manque : la country version bush, la bonne odeur de bière blonde, la télé invariablement réglée sur une chaîne de sport et les gros joviaux et rougeauds qui s'abrutissent à la fois à coup de bière et à coup de télé…Nous nous installons en terrasse tandis que l'air se fait plus frais, voire pluvieux.

Une serveuse arrive quelques secondes après, un sourire commercial inimitable aux lèvres. Elle nous lance une onomatopée d'un ton interrogatif, ce qui nous permet de déduire qu'elle prend nos commandes. Dominique s'administre un jus de fruit, tandis que, fidèle à ma curiosité ouverte sur toutes les cultures locales, j'opte pour une Cairns Draught Crown, dont le prix suggère la qualité exceptionnelle. Et je ne suis pas déçu, cette bière est la première qui soit digne de recevoir les éloges d'un consommateur averti !

Nous nous détendons, assis à cette terrasse du bout du monde, à l'ombre des palmiers, tandis que le soir de l'hiver tropical pointe doucement son obscurité…c'est chouette, les vacances !

Un peu de sport nous fera le plus grand bien, après cet instant de flemme : nous décidons donc de longer la plage jusqu'à une sorte de jetée d'où partent quelques bateaux, véliplanchistes et autres canoës.

A un moment, saisi par la beauté du paysage, je photographie la plage qui s'étend à l'infini, bordée de palmiers, le tout encadré par les branches grises et noueuses d'un vieil arbre qui ne ressemble à rien de ce que je connais. Ses branches s'écartent à angles droits - ce qui lui donne cette allure de cadre pour paysage crusoësque - et se terminent par de grosses feuilles vertes et épaisses, jaunes dessous.

Puis, nous retournons à notre hôtel et retrouvons hâtivement nos maillots de bains pour nous plonger dans le jacuzzi bien chaud à côté de la piscine bordée d'arbres et de bougainvilliers. C'est splendide ! Et calme…

Fourbus par la massage d'eau chaude, nous nous allons lentement nous vêtir pour le soir, après une énième douche de la journée.

Avant le restaurant, nous nous offrons l'apéro et c'est très facile : y'a qu'à se servir dans notre bar réfrigéré, à la James Bond. Le bouchon de pétillant australien saute sans trop de bruit et le liquide frais s'écoule tranquillement dans nos flûtes sous nos yeux ravis. Nous prenons place dans l'immense sofa de notre salon de jardin et commentons cette journée d'exception qui n'est d'ailleurs pas finie. 

Et puis nous retrouvons notre restaurant et son chef français. Ambiance calme, tamisée, avec un léger souffle en terrasse qui nous maintient en salle. C'est très agréable, d'autant que le chef est aux petits soins pour nous, car nous lui parlons de sa mère partie…Les plats sont délicieux, bien présentés et très chers mais les plaisirs de roi se paient !

 

 

 

Lundi 19

 

Enfin une journée sans avion, et avec grasse matinée ! J'ignore quelle heure il est lorsque je saute du lit et, comble du vacancier, je ne veux surtout pas le savoir !

Tandis que Domi dort encore, je vais lire sur le sofa en terrasse.

Au son du chant des oiseaux, à l'ombre de nos eucalyptus privatifs, nous nous servons un copieux petit déjeuner préparé dans le coin cuisine, car bien sûr point d'hôtel de luxe sans coin cuisine ici. On n'est pas en France, alors on conçoit que les "guests" se fassent des sandwiches dans leur piaule si ça leur chante !

La douceur matinale promet d'être courte, alors on profite à fond de ce moment privilégié. Le programme de la journée est très simple : plage ! Aussi, dès que nous nous sentons prêts, nous enfilons nos maillots et nous traversons la rue la serviette autour du cou.

Ce que nous apprécions particulièrement est le calme de l'endroit…

Ici, point de gosses bruyants, turbulents et mal polis, point de gégés en short et tongues, encore moins de zèbres des cités avec leur gonflette et leur musique à fond sur la plage… Ici, c'est tranquille et beau, c'est tout !

Pour ceux qui rêvent d'animation à la con avec des concours de boule, de fléchettes et de t-shirts mouillés, c'est raté et c'est tant mieux. Circulez, y'a rien à voir ! Ces gens-là trouveraient immanquablement que la station est inanimée et qu'ils n'en ont pas pour leur fric. Qu'ils dégagent et aillent s'entasser dans les clubs où tout est sport et animation, y compris pour aller bouffer puisque s'approcher du buffet est une véritable compétition !

Ici, y'a qu'à s'affaler sur la plage, à l'ombre des palmiers et laisser le temps passer en silence, c'est tout. Nous ne nous ennuyons pas assez pendant l'année pour rechercher le bruit et le stress pendant nos vacances !

Du coup, la matinée passe vite. Une sieste, un bain, un séchage, une lecture et on recommence !

Quand un creux survient, on se lève et on s'installe à la terrasse d'un snack tranquille. Domi a envie de frites et de bœuf et moi de barramundi avec des frites, le "fish and chips" local…C'est dommage qu'ils fassent paner un poisson dont la chair est si fine, mais je me régale quand même ! Domi aussi.

Avec la chaleur qui commence à monter, nous avons envie de nous reposer, alors nous retournons sur la plage, bien à l'ombre.

Vers le milieu de l'après-midi, nous en avons assez de larver. Nous passons une chemisette et on prend un petit bus qui fait la liaison avec Cairns. On s'arrête trois stations plus loin : au zoo !

Il s'agit d'une petite réserve très recherchée et nous arrivons au bon moment, car il n'y a pas grand monde. On achète même des graines pour en donner aux animaux, comme des gosses !

Ça vaut vraiment le détour, car ce zoo est dans le climat naturel des espèces qu'il abrite. Toutes sont des espèces locales et le catalogue est impressionnant. Les kangourous sautent librement dans le parc, ne prêtant aucune attention aux graines qu'on leur lance, repus qu'ils sont.

Par-ci, par-là, des wombats grognent dans leurs enclos et ne font pas plus cas de nos graines.

Nous restons médusés devant un immense crocodile de 4 mètres de long. Il reste là, à quelques centimètres de nous, la gueule béante dès fois qu'une proie viendrait d'elle-même...Il pourrait avaler sans mâcher 2 hommes et les allonger l'un derrière l'autre dans son immense estomac !

Et puis, nous avons droit aux dingos, aux milliers d'espèces d'oiseaux, aux serpents, aux autruches, au walibis et autres walaroos, etc. Le tout dans une ambiance tropicale authentique. Les seuls qui daignent manger les graines qu'on a achetées sont des canards parasites comme on en voit des centaines dans le Bois de Vincennes !

Nous revenons en petit bus. Autant dire que le programme est simple pour la fin de l'après-midi : plage !

On retrouve donc les mêmes, allongés à lire et à dormir…au même endroit que quelques heures auparavant. Lorsque le soleil entame son déclin journalier, lassés de tant de repos, nous repartons à l'assaut des quelques commerces de Palm Cove.

Nous achetons quelques friandises dans une petite épicerie pour le petit déjeuner et pour le plaisir. Ensuite, nous allons à la découverte des résidences aux alentours du mini centre bourg. C'est l'heure où les habitants arrosent le jardin devant leur superbe résidence.

Le climat qui règne ici est en totale opposition avec celui du Centre Rouge. Il s'agit d'un climat tropical humide, donc particulièrement arrosé toute l'année. Toutefois, même si nous sommes en plein hiver, nous avons la sensation d'être dans une île caraïbe…La végétation luxuriante témoigne du niveau élevé et fréquent des précipitations : les quelques montagnes basses qui nous entourent et qui composent le paysage de ces côtes sont recouvertes d'arbres haut et élastiques, d'un vert dense. Cela contraste également avec le climat de Darwin, tantôt très sec, tantôt inondé, toujours chaud. En fait, nous aurons fait le tour d'une vaste palette de climats et donc de faunes et de flores. Il est vrai que le moindre de nos déplacements couvrait 2.000 kilomètres !

Nous rejoignons notre hôtel pour prendre un bon bain au jacuzzi et piquer une tête dans la piscine entourée de palmiers et bougainvilliers. On ne s'en lasse pas. Un vieil Anglais y fait ses brasses et entame la conversation avec nous quelques instants. Lui, on arrive presque à le comprendre malgré ses chicots !

Une fois sortis de la douche, bien habillés et coiffés, nous prenons place dans notre sofa et nous offrons un petit apéritif pour pas changer les bonnes habitudes…On ne se lasserait jamais de cette vie ! Pour le repas du soir, nous décidons de changer un peu et de sortir dans un restaurant qui fait de la cuisine australienne, à deux pas.

Nous prenons place sur la terrasse, perchée au-dessus de la rue. C'est bien plus simple que le resto de notre hôtel, mais ça fait du bien ! D'autres touristes sont un peu bruyants mais qu'importe. La bouffe n' est pas trop mal, mais chère et en quantité limitée…dommage !

A la nuit tombée, nous faisons une petite promenade digestive avant de regagner nos pénates.

 

 

Mardi 20

 

C'est déjà notre dernier jour de vacances…

Comme la veille, nous tardons au lit, pour en profiter au maximum.

Autant dire que nous avons vraiment pris notre temps pour vivre cette journée pleinement : une douche à n'en plus finir, un petit déjeuner qui a plutôt viré au brunch et enfin nous avons daigné quitter notre cocon pour simplement traverser la rue et nous affaler sur la plage, à l'ombre des cocotiers.

C'est que nous ne serons pas de sitôt revenus ici...

Je ne saurais trop dire quelle période de la journée nous avons passée sur la plage : il semble qu'elle se soit étalée de la fin de la matinée, au moment où le soleil commence à être bien fort, jusqu'au début de son déclin, lorsque sa chaleur s'adoucit et que sa lumière devient moins vive.

Dans l'intervalle, nous avons alterné nos trois sports de haut niveau : baignade, sieste et lecture. De temps en temps, quelques déconnades entre nous…

Et puis nous avons eu faim, alors nous sommes allés dans une boutique nous payer deux trois conneries à grignoter et à boire. Ensuite, gavés de plage pour un moment, nous sommes allés faire une grande marche en longeant la côte et en obliquant vers des rues pavillonnaires. J'avais une idée en tête, que Domi n'a pas manqué de me reprocher lorsqu'elle a réalisé le pourquoi de tout un détour que je lui ai fait faire par la route : me faire prendre en photo devant un panneau routier signalant la présence de kangourous sur quelques kilomètres !

C'est vrai que marcher le long d'une route très passante avec des camions, des cars et des motos qui roulent vite, c'est pas très agréable ! Mais j'ai exaucé mon caprice et ça fait du bien à cette feignasse de marcher un peu !!!

Une dernière fois, nous longeons à pied la rue côtière de Palm Cove. Pour faire bonne mesure, je prends une photo de Domi au pied d' un palmier…Et bien sûr, nous terminons la journée par un long moment dans le jacuzzi, à nous faire masser la graisse à l'eau chaude. Mine de rien, c'est fatiguant !

Comme d'habitude, nous nous offrons un apéritif, mais cette fois-ci au restaurant de l'hôtel, où nous nous faisons plaisir pour compenser la peine que nous avons de finir de si extraordinaires vacances.

Nous ne nous refusons rien, c'est le bouquet final ! Et le tout arrosé de vin australien, bien entendu.

Au cours de cette soirée mémorable, nous faisons le tour de tout ce que nous avons fait et vu. On reviendra dans quelques années lorsque ce sera l'été ici, et on ira visiter ce que l'on n'a pas vu : Melbourne, Adélaïde, la Tasmanie et Perth. Et alors seulement, nous pourrons prétendre avoir eu un bon aperçu du continent.

Ce qui nous a le plus fait défaut, c'est d'avoir plus de temps pour visiter Darwin. C'est sans aucun doute notre seul regret, mais nous nous sommes jurés d'y revenir quelques jours pour profiter vraiment de cette ville étonnante.

 

 

Les deux jours qui ont suivi ont été un long, très long retour au cours duquel nous sommes retournés à Sydney pour quelques heures. Nous avons mis à profit ce temps libre pour visiter une dernière fois la ville, notamment la cathédrale et le quartier chinois.

C'est au cours de cette escale que j'ai croisé tout à fait par hasard un collègue de bureau, lui aussi en vacances dans le coin ! Le monde devient trop petit…

Après cette halte prolongée, nous avons eu droit au même type d'appareil qu'à l'aller, avec un personnel de bord tout aussi aimable, des voisins encore plus remuants (deux Hollandais complètement cons qui se projetaient en arrière lorsqu'ils ricanaient et que j'ai pris le soin de bien secouer pendant qu'ils dormaient !), de la bouffe tout aussi dégueulasse et une halte à Singapour encore plus courte !

 

Le retour en France fut difficile, mais nous avons retrouvé le soleil de l'été...